29 août ; &SAHARA

Ouais se faire un petit pique-nique entre mecs sur la plage, il n'y avait rien de tel. Celui qui osait comparer ce moment de pur rigolade avec les pyjamas partys que seules les créatures du genre féminin étaient capables d'endurer se trompait complètement. Bières, testicules et discussions privées (ou presque) était la bonne recette de ce déjeuner du milieu de semaine. C'était pieds nus que Clarence était rentré, chaussures en mains, humeur guillerette. Après s'être rincé les pieds et avoir ingurgité quelques yahourts, autant dire que l'ogre n'était jamais rassasié, il fila vers sa chambre pour entamer la sieste du guerrier. Mais un mot attira son attention. Lorsqu'il eut fini de le lire, Clay ne put s'empêcher de sourire. Il n'y en avait qu'une pour se désigner d'une telle façon presque poétique, c'était Sahara. La perspective d'un moment avec elle dans un lieu qui appartenait seul à la nature fut soudain plus alléchant que le lit douillet de la chambre de la gourmandise. Il remit donc ses pompes en quatrième vitesse, prit une lampe de poche - qui disait grotte disait forcément obscurité, puis trottina en dehors de la villa pour aller rejoindre son amie Sahara. Il n'y était jamais allé et ce fut donc grâce à quelques indications de la part de figurants qui habitaient là depuis toujours que le garde-chasse trouva enfin les lieux. Et le trou béant dans la roche brute semblait lui tendre les bras en disant: "je suis la nature et le danger même, je sais que tu m'aimes". Il n'hésita pas puis pénétra dans la grotte. Une silhouette fine devant lui évoluait lentement et il n'eut pas de mal à la rattraper. Malheureusement avant qu'il n'ait pu lui faire peur, elle se retourna, laissant découvrir la jeune femme qu'il cherchait depuis tout à l'heure. « Non c'est mon instinct qui m'a conduit jusqu'à toi. » Tenta-t-il, dans un élan de romance mais au vu de la perplexité amusée de Sahara, il dut se résigner. « Ouais ok, j'ai vu ton message et j'ai couru aussi vite que j'ai pu. » Clay parvint à sa hauteur et lui donna un faible coup de coude dans le flanc tandis qu'il admirait les murs à l'état brut, émerveillé. « C'est une super bonne idée que tu as eu là, je crains que tu ne commences à me connaitre, fille du désert. »

29 août ; &SAHARA

Si l'endroit semblait aménagé pour la venue des touristes, il n'en gardait pas moins cette âme sauvage qui plaisait à Clarence. Oui c'était évident que ce bonhomme préférait largement les grottes à chauves-souris que les gratte-ciels de plusieurs centaines de mètres de haut. Il se présenta à Sahara comme si son flair l'avait guidé jusqu'ici à l'instar d'un amoureux transi qui suivrait les pas de sa belle. Bien sûr, ça n'était rien de tout ça et même la candidate n'y crut pas. Dommage, ça aurait ajouté à son image d'ex maudit comme on aimait à lui prêter depuis les deux derniers primes... Sahara avait le don pour le sortir de ses idées noires et lui proposa de quoi boire. Ca n'était pas de refus: il venait de manger mais la précipitation de la rejoindre l'avait un peu déshydraté. « Tu prévois tout dis-moi ! » Dit-il en se saisissant de la bouteille d'eau. Il en but de longues gorgées puis la referma avant de la lui rendre. Qu'elle ne s'avise pas de lui proposer de boire toutes les 5 minutes où ça en finirait vite de sa bouteille. Clay salua son initiative, chose qui était rare dans cette maison - on lui proposait pas souvent de telles sorties sauf quand c'était entre mecs mais ça c'était un autre monde. Elle le surnomma "homme des bois" et cette fille gagna soudain des dizaines de points dans l'estime du garde-chasse. Il aimait qu'on le cerne de cette façon puisqu'il revendiquait haut et fort sa façon de vivre. Comme quoi les hommes des bois n'étaient pas tous des hommes de Cro-Magnon sales et mal élevés. Puis elle lui demanda s'il avait eu la présence d'esprit d'emporter une lampe de poche. Il fallait croire qu'elle ne pensait pas à tout finalement. L'air mystérieux, Clay sortit la lampe de poche qu'il avait fourré dans sa poche arrière comme on sortirait un lapin d'un chapeau. De la fierté se lut sur son visage tandis qu'il l'allumait d'un clic: « Au final, que ferais-tu sans moi ? Tu te serais déjà perdue au fin fond des galeries et on t'aurait retrouvé à moitié affamée à dévorer des chauve-souris. » Il la laissa sur cette image peu ragoûtante d'elle puis commença à marcher dans la grotte. Malgré les quelques spots installés, ceux-ci étaient éteints puisqu'ils étaient en pleine journée. Ca n'enlevait pas à l'obscurité de l'endroit et à son côté peu rassurant. « T'as pris des miettes de pain pour semer derrière nous ? »

29 août ; &SAHARA

Clarence avait beau tenter de lui faire peur, Sahara restait de marbre. Elle ressemblait à ces working-girl qu'il croisait dans sa rue quand il était gamin. Elle était control freak pour la plupart mais surtout très prévoyante. Dans leur sac à main griffé, il y avait toujours ce dont on avait besoin au moment où c'était nécessaire. Elles étaient toutes super intelligentes et surtout trop occupées bien que sympathiques. Il s'était amusé à les imaginer dans leur maison, savoir si elles restaient aussi parfaites ou bien si elles lâchaient prise de temps en temps. Sahara était la version édulcorée ou tout simplement plus mature de ce vieux souvenir. Il pouvait bien lui dire qu'elle finirait par se perdre et mourir seule de faim, elle trouvait quand même le moyen de sortir quelques paquets de gâteaux. Clay ne répondit rien. Il avait souvent des fringales et savoir que dans ce sac féminin se cachait des sucreries lui donnait déjà des gargouillis au ventre. Mais pour l'heure, c'était l'exploration la plus primordiale et non l'état de son estomac. Le blond eut soudain la bonne idée de l'interroger si elle avait de quoi semer derrière eux pour ne pas se perdre. Bien sûr tout comme lui, elle n'avait pas pensé à cette éventualité et préféra évoquer les biscuits sacrés. Il hocha la tête en guise de réponse négative. « Hein hein, on gaspille pas la nour... » Elle le devança. Etait-elle devin ? Ou bien voyante...? C'était une option à explorer, elle semblait lire dans ses pensées et cette idée l'affolait de plus en plus. Il fallait croire qu'il avait trop mangé ce midi, il en perdait un peu la raison. C'est après avoir fouillé dans son sac que Sahara brandit alors une ficelle qu'elle devait garder pour les séances de couture inopinées. Mais alors qu'elle l'enroulait autour de la tige d'un spot puis fit un nœud, Clay leva son index pour l'interrompre. « Non, on ne peut pas y aller. » Il se baissa vers la ficelle qu'elle venait d'accrocher avant de le couper à l'aide de ses dents. Contradictoire ce garçon ? Si peu. Il se releva puis passa son bras autour de celui de la jeune femme. « Je plaisantais. On se la fait à l'aventurier et on ne prend pas de filet de secours. » Et sans attendre sa réaction, il commença à marcher dans la grotte, l'entrainant avec lui. Sa lampe de poche était toujours rivée devant lui et quelques mètres étaient toujours éclairés pour au moins savoir où ils atterrissaient au fur et à mesure de leur marche. « J'espère qu'on va déboucher sur le genre de lac translucide magnifique où un écosystème vit à lui tout seul. Oui je regarde trop les films. » Tandis qu'ils parlaient, leur chemin se sépara soudain en deux. L'un allait à gauche, l'autre à droite. Mais pour lequel opter, là était la question...

29 août ; &SAHARA

Sans aucun équivoque, c'était bien plus intéressant de découvrir cette grotte sans aucun lien qui ne les rattachait à l'extérieur. Ils pouvaient bien se prendre pour des explorateurs ou chercheurs d'or si ça les chantait personne ne serait là pour leur rappeler que l'émission continuait son cours. Clarence ignorait si la production avait été assez cinglée pour parcourir toute la grotte pour y mettre des caméras. Sans doute y avait-il dans les recoins les plus vastes, ça aiderait grandement les deux jeunes gens à se retrouver. Et si au bout du chemin, un lieu grandiose était à la clé alors ils avaient tout gagné. Sahara ne semblait d'abord pas convaincue de le suivre sans aucune objection mais s'y plia finalement. C'était bien plus amusant de se perdre parce qu'on avait marché trop spontanément. Nul besoin de tout prévoir cette fois-ci. Clay lui fit part de ses attentes quant à cette grotte mais la jeune femme aussi eut sitôt fait de ne pas trop espérer longtemps. Il s'agissait d'un petit village, certes très bien équipé mais dont on n'avait presque jamais entendu parler auparavant. Si un tel lieu se cachait au milieu de cette caverne, les médias se seraient rapidement emparés de l'affaire et les grosses productions de cinéma se serait jetées sur cet endroit peu reconnu qui ne coutait pas trop cher pour pouvoir tourner. Dès qu'il y avait les bonnes affaires, les réalisateurs débarquaient toujours très vite. Mais l'heure n'était plus aux suppositions. Déjà leur chemin se séparait en deux et réclamait de leur part un choix. Sahara proposa alors qu'ils ne se séparent ou bien qu'ils bifurquent à droite. La réaction de Clay fut immédiate. « Et pourquoi pas la gauche tu as vu de gros yeux rouges menaçants ? » C'est vrai après tout, il y avait peut-être bien des choses mystérieuses qui valaient le coup d’œil. Mais la blonde était déterminée et trouva même un stratagème tentateur pour convaincre Clay de la suivre. Elle n'en avait pas besoin, n'était-il pas venu pour l'accompagner à la base ? « Ok, je te suis mais uniquement parce que je suis un grand joueur. » Puis il reprit la marche en tournant à droite. Déjà Clarence tentait de se construire un plan dans sa tête au cas où ils rencontreraient beaucoup de virages. Même si le côté no safe était super sympa, il ne tenait pas à périr ici quand même. Même si sa réponse laissait entendre qu'il n'avait accepté que pour cette activité, tous les deux savaient qu'il n'en était rien au fond, une simple boutade quoi.

29 août ; &SAHARA

Les deux jeunes gens partaient enfin à la découverte de cette grotte si mystérieuse. Des grottes, il y en avait des tas à Yellowstone mais la plupart n'étaient pas ouvertes au public parce qu'elle dégageait des températures tout bonnement insupportables pour l'homme. Son climat volcanique était plus que reconnu et Clarence était heureux de pouvoir profiter d'une grotte enfin sombre, fraiche et quelques fois inquiétante comme dans les films. Déjà on leur réclamait de choisir un chemin et sans hésiter, Sahara se porta sur la droite. Superstition, habitude étrange ? Toujours est-il que sa curiosité le poussa à lui demander ce qu'il en retournait derrière ce choix immédiat. Quand elle s'expliqua, il fronça les sourcils sous l'incompréhension. « Je suis pourtant gaucher, te serais-tu trompé de partenaire pour cette excursion ? » Son regard paraissait désappointé même si le ton amusé de sa voix traduisait la plaisanterie. Lui n'était ni superstitieux, ni maniaque mais tant qu'à choisir, lui aurait préféré la gauche. Sauf que Sahara était la maitresse des lieux et il se plierait à chacune de ses décisions. Et puis elle laissa sous-entendre qu'ils joueraient au jeu des questions/réponses si toutefois il suivrait sa trace, et ce jeu était sans doute le meilleur réputé pour continuer à en apprendre sur les gens qui l'intéressaient. Alors qu'ils avaient repris la marche, Sahara se lança en première. Et la question n'était pas des plus faciles. Clarence avait connu pas mal de moments heureux dans sa vie, comme tous les autres mais il avait envie d'une réponse qui sortait de l'ordinaire, qui traduisait sa personnalité parfois différente. Regardant en l'air comme si ça pouvait l'aider à réfléchir, il finit par se lancer: « Évidemment, c'est impossible de choisir un moment en 30 ans d'existence mais il y en a un qui me revient souvent. C'était à Yellowstone, au printemps pendant les saisons de l'orage. Pendant cette période, on a pas trop le droit de faire visiter les sous-bois, les forêts et les parties montagneuses sont risquées. Bref, y'avait pas grand-chose à voir. Je surveillais une ourse qui était pleine depuis un sacré moment. Autant te dire que la naissance d'un ours dans ce parc c'est juste un événement mais la mère n'a jamais bien supporté sa gestation. Figure-toi que je sais pas comment mais une nuit, je me suis réveillé en sursaut et je suis parti à sa recherche. Elle s'était planquée pour mettre bas, en général c'est jamais bon signe. L'orage brouillait les fréquences et j'ai du attendre plusieurs heures avant que les vétérinaires n'arrivent. J'ai assisté la mère, j'ai sorti le petit et laissé le cours des choses faire. Un animal sauvage ne laisse jamais les étrangers s'approcher de leur progéniture mais là c'est comme si elle avait compris que je n'étais là que pour l'aider. » Tandis qu'il racontait, Clarence faisait des grands gestes et son regard vert était illuminé d'une passion presque enfantine. « Et puis les vétérinaires ont fini par arriver. Il se trouvait que l'ourse avait des complications et elle n'a vécu que quelques jours ensuite. On a du allaiter l'ours et lui apprendre à vivre seul, parce que là bas personne n'en ferait son bébé. Il s'appelle Baloo et a 5 ans maintenant et quand je vois comme il grandit et se débrouille, je me dis que les plus beaux moments de ma vie c'est quand je me sens utile aux autres et à la vie... » Gêné de raconter des choses aussi personnelles, Clay se gratta la nuque avant d'hausser les épaules, reprenant une voix plus neutre: « Enfin bref, tu vois quoi. Passons à toi... C'était quoi ton rêve de petite fille ? Tu l'as réalisé ? »