Ft. Clarence


Loin des bassins depuis près d'une semaine, j'avais grandement besoin de me ressourcer, de retrouver une eau pure dans laquelle je pourrais m'abandonnais à ma passion sans craindre d'entendre des cris, des rires et des conversations puériles sur les amourettes de la villa. J'avais besoin de passer une journée seule, loin de l'agitation de l'aventure. Me levant aux aurores, j'avalais une tasse de café noir et amer avant de me préparer. Je prenais grand soin de ne pas faire de bruit afin de ne réveiller personne, je n'avais pas spécialement envie que quelqu'un vienne me tenir compagnie dans mon périple. Un sac à dos sur les épaules, j'avançais en direction du village avant de m'éloigner vers d'autre horizons. Il était tôt. Il faisait frais. Les oiseaux chantaient. Par endroit, l'herbe était encore humide. L'odeur du bois était enivrante et me rappelait mon enfance, mes vacances. Je croisais la route de quelques animaux qui s’enfuyaient en entendant mes pieds tapaient sur le sol au fur et à mesure que je m'enfonçais dans la nature. Un sourire béat berçait mes lèvres. J'étais aux anges. [...] Après une bonne heure de marche, j'arrivais enfin à destination. Posant mes affaires sur le peu de sable qui bordait la rive, je me débarrassais de mes vêtements pour me retrouver en bikini avant de me jeter dans l'eau. Un frisson parcourait mon échine. J'avais la chair de poule, mais bon sang que j'aimais le contact du liquide sur ma peau. Quelques brasses plus tard, je me retrouvais non loin de la cascade. J'escaladais avec un peu de mal. Huit ou dix mètres. Impressionnant, mais franchement pas insurmontable. J'avais fait pire. L'air battait mon visage. Droite comme un i, j'inspirais cette fraîcheur avant de m'élancer dans le vide comme je savais si bien le faire. L'adrénaline montait tout doucement au fur et à mesure que je me rapprochais de l'eau. En position du foetus, tournant sur moi même, je laissais mes pieds chatouiller le ciel alors que mes mains, mes bras, ma tête déchiraient l'eau en deux pour me laisser pénétrer dans cette flotte. J'aurais du me casser la tête, mais tant pis, j'étais assez stupide pour recommencer encore et encore. Je remontais à la surface, frottant mes petits yeux couleur javel avant de nager à nouveau en direction de la cascade. Je n'avais même pas eu le temps de remarquer mon genou qui saignait.

23 août ; &LENNON

S'il y avait bien quelque chose qui manquait à Clarence à Yellowstone c'était bien les cascades. Loin d'être les endroits les plus paisibles du parc, ils étaient pourtant l'échappatoire du garde-chasse qui ne manquait jamais d'y faire un tour à l'abri des regards et au-dessus des interdictions. Il aimait ce bruit d'eau puissante, la fraicheur de la roche et l'image d'une espèce de paradis parmi les terres modernes et trop urbanisées des États-Unis. Il avait emporté son sac à dos avec tout ce qui était nécessaire à une telle escapade: de l'eau, une serviette, des vêtements de rechange, un couteau et des pansements. Oui rien n'était jamais sûr dans les cascades et malgré son côté aventurier, il voulait être paré pour tout. Clay aimait renvoyer cette image d'homme prévenant et droit même si ça ne plaisait pas tout le temps à ses têtes brûlées de colocataires. Après une marche qui dura de longues minutes, il parvint enfin jusqu'à la cascade. Ce ruissellement dynamique ne pouvait pas tromper son oreille. Son sourire s'afficha sur un visage illuminé quand il découvrit la beauté des lieux. Il délaissa son sac sur une roche et se déchaussa en vue de plonger au plus vite dans l'eau. Mais au moment où sa dernière chaussure quitta son pied, il entendit un plouf bien distinct qui signalait un plongeon. Tournant la tête, il reconnut alors une habitant de la villa. Décidément, il n'avait pas eu cette bonne idée, seul. Elle nageait de nouveau vers la cascade, visiblement pressée de refaire le grand saut. Mais quand elle se hissa sur le mur pour grimper, Clarence remarqua non sans mal que son genou saignait. Encore une casse-cou qui n'avait cure des blessures. Il longea alors la berge à pas rapide pour arriver à son tour à la cascade. Il grimpa à l'opposé d'elle, assez rapidement puisqu'il en avait l'habitude. Lorsqu'il parvint à la même hauteur, il avança un peu vers elle même si l'eau les séparait toujours. Il cria alors pour braver le son assourdissant de l'eau: « Je crois que tu devrais regarder ta jambe avant de sauter, Lennon ! »

Plonger me procurait une sensation de bien être que j'étais incapable de décrire. Avant chaque grand saut mon coeur se mettait à cogner contre ma poitrine, faisant monter l'adrénaline encore un peu plus. J'aimais lorsque le vertige s'emparait de moi alors que je me trouvais à des dizaines de mètres au dessus d'une immense étendue d'eau. J'appréciais entendre le cri de douleur, de rage de l'eau lorsque mon corps venait perforait se surface, l'ouvrant, la déchirant en deux. J'adorais me trouver dans l'eau, j'avais l'impression d'y retrouver mes repères. C'est comme si je savais nager avant même de marcher. Je devais être une sirène ou un truc dans le genre et franchement ce serait l'explication la plus probable, mais ce genre de créature mystique n'existait pas et il fallait bien que je me fasse une raison, je n'étais qu'une simple personne normale ayant des facilités avec cet éléments alors que d'autre préféraient largement avoir les deux pieds sur terre. Certes la piscine que la production avait mise à la disposition des candidats était chouette, mais uniquement pour s'amuser et non pas pour s’entraîner à enchaîner les longueurs encore plus vite que celles que je bouffais déjà, tous les jours, sous les cris incessants de mon entraîneurs de père. J'étais sa fierté et même en me trouvant loin de lui je me devais de le faire sourire, de lui montrer que je continuais à jouer les poissons afin de décrocher, un jour peut-être, une médaille olympique. Ce serait mon rêve et c'était le titre que je convoitais depuis mon plus jeune âge. Un titre qui viendrait confirmer toutes ses médailles et ses coupes accrochaient sur le mur de mon salon. Le lac était l'endroit idéal pour une nageuse telle que moi et je venais tout juste de le comprendre, lors de mon premier saut. J’enchaînais les longueurs, grimpant la paroi pour me rendre à la naissance de la cascade et puis je recommençais sans jamais me fatiguer, sans jamais me soucier de ce qu'il pouvait se passer autour de moi. Je n'avais même pas remarqué qu'un de mes colocataires se trouvait là à grimper la paroi en même temps que moi, de l'autre côté de la cascade. Il criait, m’appelant par mon prénom. C'était là que je captais que je n'étais plus toute seule. Surprise, je lâchais prise, glissant d'un bon mètre sur la paroi. Heureusement que mes réflexes étaient bons et que je ne tardais pas à agripper une pierre avant de me hisser vers le sommet. Le souffle court, je regardais autour de moi pour apercevoir Clarence. D'un signe de la main, je lui indiquais qu'il était fou tout en marchant d'un pas assuré vers lui. « Mais t'es malade, j'ai bien failli mourir à cause de tes conneries là. »Et oui, je n'avais strictement rien compris à ses dires précédents et du coup l'état de mon genou m'importait peu, même si celui ci me grattait légèrement, comme si quelque chose de visqueux me gênait.

23 août ; &LENNON

S'il avait été seul, Clarence aurait plongé avec impatience dans cette eau bouillonnante, animée par les reflux de la cascade. Il aimait l'eau pour la sensation d'exister qu'elle lui procurait. Une eau fraiche ravivait chaque membre de son corps en mouvement, une eau chaude apaisait les douleurs et réchauffait son esprit. il était féru des cascades et autant dire qu'il en profitait largement. Celle-ci lui semblait petite à côté de celles de Yellowstone mais non moins attractive. Mais Lennon avait eu la bonne idée en première et se délectait de ce paysage sans se préoccuper de sa nouvelle présence. Clay avait pris le temps de l'observer jusqu'à ce qu'il ne remarque son genou blessé. Certes la plupart des jeunes auraient haussé les épaules en disant qu'ils ne sentaient rien et que ça n'était pas grave mais combien de fois, une plaie s'était finalement infectée et le blond alors plus jeune avait du rester au lit quelques jours pour payer son insouciance. Il y avait des bons côtés à vieillir: on devenait plus raisonnable. Il s'était donc mis à grimper sur la paroi de l'autre côté de la cascade pour signaler à Lennon qu'elle n'était plus en pleine possession de ses capacités pour continuer à batifoler. Tant pis s'il passait pour le gros rabat-joie de service, il n'en serait que fier pour cette situation précise. Il cria alors à son intention mais ne récolta que son sursaut et sa frayeur. Quand elle glissa sur la paroi sur une courte distance, Clay tendit la main vers l'eau comme s'il pouvait l'aider à remonter mais bien sûr trop de distance les séparait. Heureusement pour la conscience du blond, elle reprit ses esprits et parvint à continuer son ascension jusqu'au sommet. Il la suivit et la rejoignit sur le haut de la cascade où le bruit était moins assourdissant. Comme il put s'y attendre, elle l'engueula comme s'il l'avait poussé dans la cascade. Attendant qu'elle ne finisse ses remontrances, Clarence croisa les bras. Il se moquait bien de se faire taper sur les doigts comme un enfant, il savait qu'au fond il avait raison. « En même temps si tu crains de te faire surprendre par le bruit, autant aller nager dans la rivière. » Dit-il avec un sourire à la fois narquois et sympathique. Il s'approcha ensuite d'elle puis quand il fut trop proche d'elle, il se baissa pour appuyer sur son genou saignant sans ménagement. Il fallait qu'elle comprenne, même si les manières du blond étaient toujours cavalières. « Je suis pardonné maintenant ? »

Alors que j'étais en train de l'accabler d'une faute des plus graves, Clarence croisait ses bras sur son torse, un petit peu comme s'il n'en avait strictement rien à faire de ce que j'étais en train de lui raconter. Avec cet air indiffèrent il arrivait à me perturber et enfin sa réplique sonnait cinglante comme si j'étais la seule fautive dans toute cette histoire. Non, mais il se prenait pour qui celui là avec son sourire narquois, limite il était en train de se moquer de moi. J'ouvrais la bouche, sans avoir le temps de dire quoi que ce soit que déjà il venait appuyer comme un fou sur l'un de mes genoux. Une douleur atroce, presque insurmontable envahissais mon corps, handicapant ma jambe. J'en avais les larmes aux yeux, mais me forçais à ne rien laisser paraître. Mon réflexe ne se faisait pas attendre, alors que je n'avais pas encore baissé les yeux vers l'endroit qu'il me désignait par le mal je venais lui apposer une gifle des plus magistrales. « Mais t'es complètement malade mon pauvre. Pourqu... » Je n'avais pas le temps de finir ma phrase que mes pupilles se posaient sur mon membre ensanglanté. Dieu, mais qu'avais-je fais ? Mes deux mains venaient se plaquer contre ma bouche. Timide, je ne savais pas comment faire pour m'excuser alors que mon regard se balançait entre la garçon et ma blessure. « Je ... excuse moi. » Je lui tournais le dos, m'éloignant du bord de la cascade afin d'aller m'installer un petit peu plus loin, assise au beau milieu de l'eau. Mes doigts parcouraient la plaie d'un geste délicat et lent avant même que je ne prenne un petit peu d'eau dans mes mains pour la déverser dessus. « Par hasard, tu ne sais pas comment arrêter cette soudaine hémorragie qui sort de je ne sais où. »

23 août ; &LENNON

Lennon le toisait comme s'il était le cheveux sur la soupe qui avait interrompu son moment de douce solitude. Il n'y pouvait rien, il n'allait quand même pas la laisser se trimballer près de la cascade merveilleuse certes mais surtout glissante et dangereuse pour ceux qui pensaient que c'était une petite grimpade de rien du tout. Elle avait beau s'énerver contre lui, il gardait étonnamment son calme, calme qui passait plutôt pour de l'arrogance pour l'instant. Chaque chose en son temps. Il ne souhaitait pas devoir la porter jusqu'à la maison et encore moins si elle se débattait parce qu'elle le trouvait incroyablement culotté. C'est pourquoi il agit sans la prévenir et appuya négligemment sur sa blessure pour lui faire comprendre qu'il n'était pas là sans raison. Bien entendu elle n'apprécia pas autant de proximité et surtout la douleur qu'il lui provoqua et se défendit en lui décochant une magnifique gifle en plein sur la joue. Surpris, Clarence se redressa vivement et recula de quelques pas pour se frotter la joue. Dis donc elle avait de la défense à revendre celle-ci, une vraie lionne. Il la considéra calmement, la joue légèrement rougie, attendant qu'elle ne daigne enfin regarder son genou. Quant sa sa main qui l'avait touché quelques secondes plus tôt, ses doigts étaient maintenant poisseux de sang. Tandis qu'elle réalisa sa méprise et qu'elle se confondait en excuses, Clay s'était abaissé pour rincer ses doigts sous l'eau claire. Sans lui accorder un regard, blessé dans son orgueil, il lâcha d'une voix dure: « Sache que je n'attouche pas les femmes sans qu'elles ne m'aient donné leur accord. Sauf quand la situation l'exige. » Il finit par relever ses yeux clairs vers elle. Lennon s'était éloigné pour aller laver la plaie à l'eau fraiche pensant que ça suffirait. Cependant, elle eut la vivacité d'esprit que ça n'empêcherait pas l'infection, aussi bénigne soit-elle. « Si j'ai justement ce qu'il faut dans mon sac à dos. Qui lui est resté en bas. » Il se remit debout puis prit quelques pas d'élan avant de sauter carrément du haut de la cascade. Ses pieds battaient l'air comme s'il espérait marcher dans le vide mais ça suffisait tout juste à l'éloigner assez de la cascade pour ne pas finir dans les rochers. Il atterrit dans l'eau avec un énorme plouf et remonta à la surface après quelques secondes d'apnée. Levant la tête vers Lennon, il leva son pouce pour lui signaler qu'il n'était pas mort puis nagea jusqu'à son sac.