13 août ; &NANCY

Clarence n'en aurait jamais cru ses yeux s'il ne l'avait pas découvert par lui-même. On avait installé un stand de surf à Rollington - ou bien il existait là depuis plusieurs années. Quoiqu'il n soit, le surf était certainement son sport préféré avant qu'il ne migre à Yellowstone pour son travail. Autant dire que là-bas les bois remplaçaient les berges bétonnées et la plage laissait place à de grands lacs frais. Il avait depuis abandonné l'idée de resurfer à nouveau et quand il loua de l'équipement à l'hôtesse d'accueil sur le stand, il crut bien avoir trouvé une idée là pour se ridiculiser davantage. Le temps était au beau fixe, il était de bonne humeur dans un cadre idyllique que demander de mieux ? Il était encore fatigué de la veille mais il savait combien poser ses pied sur cette planche instable et glisser sur les vagues déchainées le revigorerait bien assez tôt. The Werewolf Game était la jeunesse que Clay avait laissé passer bien trop vite. Cette télé-réalité était la seconde chance de se débarrasser de toutes ses responsabilités écologiques et professionnelles et de n'être plus que lui et les flots. Après avoir enfilé sa combinaison noir et rouge bien moulante dont il n'enfila pas les bras, il prit sa planche sous le bras et foula le sable de la plage pour parvenir jusqu'à la mer. L'air était frais mais vivifiant. Tout était calme, ça n'était pas la plage de touriste sur-bondée où il faudrait esquiver dix mille serviettes et autres cabas avant de pouvoir enfin espérer atteindre l'eau. Mais dans la descente d'une dune, il aperçut alors une jeune fille au loin près de l'eau qui s'était installé en maillot de bain. Ce dernier était des plus vifs et il reconnut alors la jeune fille sur des talons surdimensionnés qui avait fait son entrée dans la maison tout comme lui. Il s'approcha d'elle et planta sa planche dans le sable, sans la quitter des mains pour autant. « Alors mademoiselle, on profite du calme ? Je ne me souviens plus de ton nom, je suis désolé. »

Cette émission était du pur délire. Genre plus pure que de la coke. Je fais genre, mais j’en ai jamais pris ; je touche pas à ces conneries là. Pour être heureux pas besoin de se défoncer, le vent de bord de mer qui soufflait dans mes cheveux suffisait pour m’afficher un sourire de satisfaction sur les lèvres. Lèvres travaillées au rouge soigneusement. Le maquillage c’est un peu comme un rite chez moi, j’aime quand ça fait naturel et classe et pour ça eye-liner, poudre, illuminateur, anti-cernes, crèmes diverses, rouge à lèvres et fard à paupière suffisent. Quoi comment ça ça fait beaucoup ? C’est parce que tu ne sais pas les mettre correctement chérie ! Sincèrement, je ne suis pas un pot de peinture, c’est pour les filles vulgaires. Du haut de mes Jimmy Shoes trop canon j’avais arpenté cette sublime plage comme une aventurière, en fait c’était la totale relaxation en compagnie du soleil qui rayonnait sur ma peau. Allez, je te le dit, j’ai carburé en crème solaire parce que je suis du genre fragile. Ouiii je sais c’est mon seul petit défaut… mais ne le dis à personne. Debout face à la mer, j’admirais les vagues en contemplait le reflet du soleil du l’eau (et les beaux surfers, oooook !) quand un type vint se planter à côté de moi. C’était qui lui ? Je me souvenais pas de sa face. « Tu te souviens plus de mon nom ? T’as un sacré soucis de perseption des choses alors, parce que les filles comme moi on les oublie pas tu vois. » Je le regardais d’un air de diva vénère et lui parlais comme si on avait couché ensemble et qu’il m’avait zappée. J’men fou, il avait pas à faire ça, à Manhattan tout le monde connait Nancy Sexy alias Nanxy pour les intimes. Je croisais les bras et regardait la mer énervée quand finalement mon regard alla en coin pour mater la planche qu’il tenait de sa main d’Australien. J’men fou, je préfère regarder la mer.

13 août ; &NANCY

Clarence n'avait pas encore eu l'occasion de parler à tout le monde. Il y avait plus de 27 personnes différentes à découvrir dans la villa et il n'était pas expert en matière de mémoire. Autant dire que retenir tous les prénoms et les âges en une soirée relevait de l'exploit inatteignable. Quand il avait abordé Nancy, il ne s'attendait pas à ce que celle-ci réagisse d'une manière aussi virulente. En fait, elle lui répondait comme si Clay avait commis la grave erreur de ne pas reconnaitre la célébrité qui sommeillait en elle. Enfin si elle méritait tant à être connue, il ne fallait pas participer à ce genre d'émission elle devait bien avoir des talents en réserve non ? Après lui avoir répondu d'un ton hautain, la jeune fille ne lui accorda plus aucune attention comme si Clay était relégué au rang d'une algue échouée sur la plage. Interloqué, il aurait rebroussé chemin en d'autres circonstances - après tout il ne lui était pas si indispensable de connaitre son prénom mais il était d'humeur taquine. Délaissant sa planche, il s'accroupit non loin d'elle et la fixa sans gêne. il prit alors un ton faussement indigné, presque enfantin et ajouta: « Oh pardon, ma mémoire me fait défaut, je ne suis qu'un pauvre mortel dans ce monde. Je suis sûr que ton prénom est merveilleux. C'est quoi alors ? Kelly, Sandra, Andrea, Nancy ? » Il n'en avait aucune idée et venait un peu d'énoncer des prénoms comme ça au hasard. Il se moquait d'elle gentiment et aimait attiser sa colère. Elle avait l'air aussi susceptible qu'une enfant et il entendait bien lui faire comprendre combien c'était ridicule. N'était-on pas dans un jeu ?

Je suis une drama queen, c’est comme ça. Même quand je ne m’énerve pas j’aime bien me donner un peu en spectacle ; après tout je suis une diva née. Tout à coup je n’apercevais plus la silhouette du surfer dans mon coin d’œil… bizarre, il ne pouvait pas être partit sans sa planche, mes yeux se baissèrent et je pu l’apercevoir à me mater. Vieux pervers. Je tenais bon, telle un guerrier sur son rocher en haut de la montagne j’arpentais le vent de mer de manière héroïque, le menton légèrement haut comme si je dominais les environs ; comme un guerrier quoi ! Euh n’allez pas croire que j’aurais aimé en être, c’est tellement peu sexy. Si on exclut les militaires, miam. Le type avait l’air du genre poète, au moins il savait parler aux femmes en me traitant en véritable reine, c’est vrai quoi j’ai toujours rêvé d’un inconnu qui me dirait que mon prénom était merveilleux…. Non ! En plus il le connait. Oh mon dieu cet homme est un tombeur. Je me mis à rire, de ce rire très caractéristique, puis me tourna vers lui. « JE LE SAVAIS! Je savais que t'en faisais exprès, c'était genre IMPOSSIBLE que tu m'oublies! Je suis désolée mais je ne peux pas faire de même avec ton prénom puisque je ne le connais vraiment pas. D’ailleurs t’es surfeur ?» Je lui désignait la planche du regard. Intérêt soudain pour le personnage, enfin qu’à demi… demander son prénom pour enchérir sur une autre question sans attendre la réponse... c'était un peu traitre de mes réelles pensées.

13 août ; &NANCY

C'était si facile de percevoir un immense gigantesque étouffant orgueil dans les yeux bridés de cette jolie demoiselle. Sans parler des stilettos sur la plage aka la plus mauvaise idée qui ne pouvait venir que d'une fashionista complètement déséquilibrée mentalement - et physiquement. Elle avait beau porter sa tête haute et ne lui accorder aucune attention, Clarence savait pertinemment comment attiser sa curiosité. Ouais qu'on le croit ou non, il avait déjà eu affaire à des nanas dans le genre dans sa jeunesse bien qu'elles se clamaient toutes uniques ! Il s'agenouilla donc pour lui donner l'illusion qu'elle dominait, avant de se confondre en excuses et de tenter au hasard de trouver son prénom. C'était quitte ou double. Soit elle lui imprimait la marque de ses bagues dans sa joue, soit son visage poupin s'illuminait. Faisant volte-face pour crier combien elle avait raison, Clay maitrisa tant bien que mal un fou rire et gardait cet air grave et parfaitement sérieux. « J'avoue ma faute. Tu m'as tapé dans l'oeil dès ton entrée, en même temps il n'y a que toi qui brille. Je ne suis que le bouffon du roi. Moi c'est Clay, si toutefois je t'intéresse encore. » Lui dire son vrai prénom revenait à tendre le bâton pour se faire battre, tout comme la mener un jour jusqu'à son propre dressing. En attendant, il n'avait toujours aucune idée de comment la nommer. Quand elle lui demanda si elle surfait, il ne put s'empêcher de la toiser, dubitatif. « Ah du tout mais je pensais faire un énorme barbecue pour toute la maison, et ça manque de planche à découper là-haut. » Il donna une tape dans sa planche puis reprit, plus sérieusement: « Oui avant d'être vieux, je surfais. Il parait que ça plait aux filles je me trompe ? T'as déjà surfé ? A moins que ses si beaux cheveux ne tiennent pas la route... »

Charmant ok, mais gros lourd aussi par la même occasion. Y en a tellement des types comme ça. Tu leur donne de l’intérêt pour ensuite leur faire croire qu’ils sont doués en drague et ils prennent direct le melon. « Pas la peine de faire ton dandy, hein. » Les personnes qui se donnent un style m’énervent, c’est simple. Il m’a l’air de ce côté-là, ou plutôt de ceux qui se croient malins et prétendent maitriser le jeu d’une main de fer. Laissez-moi rire. J’arquais un sourcil lorsqu’il évoqua son ambition de barbecue. Le temps que je réfléchisse à la possibilité de la chose et au fait que ce type était vraiment timbré, il surenchérissait sur le surf. Euh mais minute là ! « T’insinues que j’ai une perruque là ? T’es bizarre comme type. T’es intéressé et après non. C’est spéééé ! » Mes sourcils froncés et remplis d’incompréhension désignaient l’interrogation qui suscitait en moi. Il me draguait et après me soupçonnait d’être transsexuelle, je me devais de garder mon calme. Il avait parlé de surf c’est ça ? « Et ouais, ça plait aux filles. Ca rattrape ton côté goujat en tout cas. Mais j’ai jamais essayé ça a l’air dur… j’imagine que sentir l’eau qui te frôle ça doit être sensass’. Un peu comme si t’étais Poséidon genre ! Mais Poséidon en gentil sinon c’est un peu pourave. Ou alors Samy la tortue. T’sais le nouveau dessin de Disney, ils en inventent des tonnes c’est de la merde quoi, les dessins animés 3D c’est vraiment naze. J’ai toujours pensé que Sailor Moon était plus stylé de toute façon. » Convaincue je me lançais dans un long discours avec des gestes faisant tinter mes bracelets entre eux. Non pas que j’étais bariolée, j’avais pas anticipé la sortie c’est tout.

13 août ; &NANCY

De faire son dandy ? Avait-on seulement la même conception du mot 'dandy' ? Sans doute ces fameux dandy le chasseraient à grands coups de bottes dans le derrière si toutefois Clarence se risquerait à s'intégrer dans leur communauté restreinte. Il avait une idée bien précise des dandys et sur le coup, il fut effrayé de renvoyer cette image-là. Il préféra alors parler du surf, un sujet bien moins douteux qui ne laissait aucun sous-entendu désagréable ni pour l'un ni pour l'autre. Quand Clay osa mentionner ses cheveux, elle s'indigna qu'il l'ait accusé d'avoir une perruque. Pantois, il se frotta le visage d'une main, réfléchissant à pourquoi déjà il l'avait accostée, elle semblait définitivement dans un monde qui était loin du sien. « Je n'ai pas insinué que tu avais une perruque mais qu'ils étaient bien trop soignés pour ne pas être fragiles. Parce que tu sais l'eau de mer elle est salée, et donc... Laisse tomber. » Il se sentait de plus en plus découragé. Il avait bien le courage de vouloir se sociabiliser avec tous les autres de la maison mais là il fallait maitriser un langage dont il ignorait tout à vrai dire. Sans qu'il puisse s'y attendre, la jeune fille aux traits asiatiques se lança dans des métaphores plutôt enfantins concernant les surfeurs. Elle avait beau être très particulière, elle n'en restait pas moins drôle. Ses nombreux bracelets s'entrechoquaient quand elle s'excitait de la sorte et Clay en fut presque étourdi de tous ces mouvements aux couleurs vives. « Je ne peux qu'être d'accord avec toi pour Sailor Moon mais ça date d'un temps révolu désormais. Il faut vivre avec la modernité, mais je crois que tu n'as aucun mal avec ça... » Dit-il en détaillant sa tenue de ses yeux clairs. Etait-il possible d'être perchée si haut sans craindre la moindre chute ? « Ouais c'est un peu ça. La sensation de l'eau y'a rien de tel et puis la comparaison avec un dieu est plutôt sympathique. Et si tu retirais ces chaussures de torture et que tu venais avec moi ? Tu serais la plus époustouflante des naïades j'en suis certain. » Attention, question risquée où le pourcentage de chance qu'elle accepte frôlait presque le négatif mais ça ne coûtait rien d'essayer. En lui graissant la patte de compliments, peut-être que...

En effet la modernité ça me connait. Je suis une femme bionique de toute façon, une femme du futur ! Comme les bombasses sexy qu’on voit dans les films, et en plus ce sont toutes des fausses blondes ; comme moi. Mon regard le dénonçait, il me matait encore. Je ne savais pas que je plaisais aux papas… c’est dans un premier temps vexant puis flatteur. Wait, « chaussures de torture» ? Je baissais mon champ de vision et eus pleine vue sur mes escarpins. « Ah mais c’est pour ça que j’ai eu du mal à marcher dans le sable ! » L’habitude fait que je ne me rends même pas compte lorsque je porte des talons de douze centimètres ou non ; je n’avais pas vraiment pensé aux tongs pour le coup, j’étais juste venue pour admirer la mer. Quelle chance que je me sois retrouvée dans le coin des surfeurs, quel hasard surtout ! M’empressant d’enlever mes échasses, je me retrouvais soudain bien plus petite, les pieds chatouillés par le sable humide. Admettons que j’accepte sa proposition, ça pouvait être marrant et puis ce serait toujours mieux que de rester plantée devant la mère comme un poète dépressif. J’avoue que l’idée de naïade me plaisait bien aussi, rien que le mot avait une certaine classe. « Ok mais n'en profites pas pour me noyer ou quoi, Poséïdon. » Je partais un peu dans mon délire là, mais qu'importe. Il avait un peu des allure de roi de la mer avec ses yeux couleur étrange en plus. Même si je me prends une vague dans la gueule et que j’en perds mon bikini, je n’ai honte de rien. J’enlevais mes barioles, au passage, que je refourguais à l'intérieur de mes chaussures. Pour le coup j'étais tellement curieuse que les laisser sur le bord de mer comme des pauvres chiffons dégueulasses ne me dérangeait pas.