Les jours sont longs et se ressemblent terriblement dans cette maison. Je m’ennuie un peu, je n’ai plus les amis que j’avais avant, ils sont tous dans l’autre maison. C’est pour cela que je passe le plus clair de mon temps dans le salon à espérer croiser quelqu’un de ma connaissance pour discuter à travers la vitre du salon. S’il n’y avait pas cette vitre je crois que je serais déjà morte depuis longtemps, soit d’ennui soit assassinée par mes colocataires. Je n’ai pas l’air d’être la plus appréciée ici, mais qu’importe ! Finalement j’entrais dans la cuisine, gardant toujours un œil vers le salon de la grande maison, qui n’avait pas l’air très remplie. Il faut dire que leur maison est bien plus grande que la notre, il y a plus de choses à faire, et ils sont plus surtout ! Lorsque je tournais la tête, je remarquais que Lennon aussi était dans la cuisine, en même temps quoi moi. Elle n’avait pas l’air d’aller très fort, il faut dire qu’elle était séparé, elle aussi, de ses amis, enfin surtout de Graham. A moi aussi il me manque, depuis le début on est très amis et j’aime bien discuter avec lui. « ça n’a pas l’air d’aller. Graham te manque ? » lui demandais-je un sourire compréhensif aux lèvres.

 « Un petit peu. » Depuis combien de temps étais-je assise sur ce tabouret à regarder la plaque de cuisson qui se trouvait devant moi tout en triturant, du bout de ma fourchette, les pâtes qui se trouvaient dans mon assiette ? Je n'en avais pas la moindre idée, mais mon repas, à présent froid, m'indiquait qu'il y avait bien trop longtemps que je tournais en rond l'esprit dans le brouillard. Je venais de répondre à une question sans même prendre le temps de me tourner pour faire face à mon interlocuteur, qui d'ailleurs était une interlocutrice à en juger par la voix douce et aiguë à laquelle je venais de répondre.  « Beaucoup même. » Un soupir s'échappait d'entre mes lèvres alors que je laissais cogner mon couvert contre la porcelaine avant qu'il ne vienne s'écraser sur le sol. Autant dire que je n'avais pas eu l'occasion de mentir lors de mon casting, j'étais maladroite. Pourtant je n'en avais strictement rien à faire que ma fourchette et quelques pâtes traînent sur le sol puisque mes coudes venaient se poser sur le comptoir en même temps que mon menton trouvait sa place entre mes mains. Au bout de quelques secondes, je me décidais enfin à tourner la tête pour reconnaître Rosaline à qui j'adressais un bref sourire forcé.  « Tu devrais penser à manger de temps en temps. Tu es aussi plate qu'une planche à pain. » Toujours le mot pour faire sourire comme dirait l'autre et pourtant je ne me voulais pas méchante, mais pleine d'attention pour une fois. Ma main venait heurter l'assiette que je poussais en direction d'une place libre pour l'inviter à terminer mon repas.

Je n’ai jamais vu Lennon aussi vulnérable, aussi humaine, avec des sentiments. Jusque là pour moi elle était un étrange, je ne le comprenais pas trop, je ne comprenais pas réellement son histoire avec Graham, mais maintenant tout est claire ! En fait elle est un peu comme moi, sauf que je ne suis pas aussi déprimée qu’elle. J’avais bien envie de lui remonter le moral, mais je ne savais pas trop comment m’y prendre, d’habitude je suis un peu le boulet qui vient tout foutre en l’air en disant un truc qu’il faut pas. Mais là j’ai envie d’assurer, et le voir comme ça me rends triste, je n’aime pas voir les gens tristes et je n’aime pas être triste. Elle fit tomber sa fourchette mais n’y prêta pas réellement attention. Elle poussa ensuite son assiette vers une chaise vide, m’invitant à m’y installer en faisant référence à mon physique. Je suis une planche à pain ? C’est peut être vrai, en tout cas suivant les semaines son avis n’est pas le même à mon sujet, une fois je suis tellement grosse que je ressemble à un cachalot, et là je suis aussi plate qu’une planche à pain. Je ramassais la fourchette pour la mettre dans l’évier et la nettoyer plus tard puis je m’assis sur la chaise qu’elle m’avait présentée, devant l’assiette. « pourtant je mange ! Beaucoup même, à croire que j’ai un peu de chance. En temps normal j’aurais accepté avec plaisir, mais j’ai déjà manger et le seul truc qui me fait envie là, ce sont des macarons, mais bon passons. Je te comprends, il me manque à moi aussi, même si ce n’est pas de la même manière, ce serait un peu bizarre sinon, les autres me manquent, je veux revenir dans la maison ! »

Rosaline me faisait rire en prétendant manger alors qu'elle était aussi épaisse qu'une feuille de papier. Remarquez, je ne mangeais pas des tonnes, juste correctement et je ne grossissais pas non plus. En y réfléchissant peut-être que nos morphologies d'athlètes y étaient pour quelque chose. Enfin, je n'étais pas là pour parler durant cent sept ans de mon poids et de celui de la gymnaste qui se trouvait à mes côtés et si vous voulez mon avis ses envies de macarons ne sont pas anodines tout comme ses crises de boulimie soudaine. Avait-elle une brioche au four ? Non, elle était bien trop prude pour prendre le risque de coucher sans préservatif et encore moins dans une villa où il y avait des tonnes de caméras partout alors que moi j'avais eu le culot de coucher avec un homme qui était en couple et sans aucune protection. J'étais complètement folle, mais je n'en avais strictement rien à faire et puis je me voyais mal couper Graham dans son élan pour lui rappeler qu'il faudrait peut-être recouvrir son manche d'un petit bout de plastique et de toute façon je n'y avais même pas pensée moi même. Sinon je vais arrêter de raconter ma vie vu qu'elle n’intéresse personne. Et voilà que maintenant la brindille venait me faire part du manque qu'elle ressentait vis à vis de l'absence de certains de ses amis et de Graham. Je tournais la tête vers elle pour l'écouter d'une oreille avant de faire une petite grimace.  « En fait je ne sais pas si je vais supporter encore longtemps de le voir à travers cette maudite vitre sans pouvoir le toucher, sentir son odeur, l'embrasser. » Je n'en revenais pas de ce que j'étais en train de dire et comme pour me justifier je venais rajouter :  « C'est atroce j'ai l'impression d'être une grosse guimauve toute dégoulinante d'amour et de tendresse quand je le vois ou bien je parle de lui. »

Je compris que ce n’était pas trop son genre d’être comme ça avec ses petits copains, de penser à eux et tout ça. Pour moi c’était tout naturel, lorsque j’étais amoureuse de quelqu’un il me manquait dès qu’il avait passé le seuil de la porte, je suis quelqu’un d’attachée, de passionnée et d’amoureuse. Je ne fais pas les choses à moitié, quand je suis amoureuse j’ai envie de le crier au monde entier et que tout le monde voit que je suis heureuse. Enfin en général, parce qu’avec Clay c’est différent, je l’aime mais lui non, ce n’est pas réciproque, alors en fait je suis plus triste qu’autre chose parce que je sais que ça n’ira nul part lui et moi. « c’est ça l’amour ! Tu es amoureuse Lennon. » on dirait que je suis devenue experte en amour, alors qu’en fait je parle juste par expérience. L’amour, ce sentiment qui a inspiré bon nombre de musicien, romancier, cinéaste ou encore poète. J’adore les poésies qui parlent d’amour, ma préférée est celle de Verleine, mon rêve familier. Je connais environ une quinzaine de poèmes écrits pas ses soins, mais en tout je dirais que je pourrais réciter une bonne quarantaine de poèmes sans faire trop de fautes. Ils sont quasiment tous en français, certains je les ai appris à l’école, d’autres découverts par hasard à la bibliothèque ou sur internet. Je commence à murmurer, presque sans qu’aucun son ne sorte de ma bouche ce poème de Verleine que j’affectionne tant « je fais souvent ce rêve étrange et pénétrant… » si Lennon m’entend elle va sûrement se demander ce qu’est ce charabia incompréhensible, à moins qu’elle connaisse le français et encore, il faut avoir une sacré maîtrise pour comprendre ce texte.

Si j'avais été en train de boire au moment même où elle venait de prononcer ces paroles stupides je me serais très certainement étouffer et mourir dans un jeu tel que celui auquel je participais depuis quelques semaines ce n'était pas très glorieux. Remarquez, je serais morte au sommet de ma gloire et quelques milliers de personnes auraient certainement versées une petite larme. Ou pas. Je secouais ma tête de gauche à droite assez vite pour lui montrer qu'elle se tromper avant d'ajouter :  « J'ai mis plus d'un an avant de tomber amoureuse de quelqu'un alors je ne vois pas pourquoi je tomberais amoureuse de lui en particulier seulement quelques semaines après notre rencontre ou même quelques jours. » Et là je poussais un énième soupir alors que des questions plus stupides les uns que les autres commençaient à se bousculer dans ma tête. J'étais certaine que Rosaline avait tort et pourtant à chaque fois qu'il se trouvait à mes côtés je pouvais clairement sentir mon cœur cogner contre ma poitrine et un sourire béat d'admiration ne me quittait plus lorsque je parlais de lui ou lorsqu'il était avec moi. Et puis la française se mettait à baragouiner des mots que je ne comprenais pas, certainement dans une autre langue. Je me tournais légèrement vers elle tout en arquant un sourcil.  « J'espère seulement que tu n'es pas en train de m'insulter ou de te foutre de ma gueule parce que sinon tu risque de te prendre un revers en plein milieu de la tronche. » Beh quoi, je n'aimais simplement pas comprendre ce que les gens étaient en train de dire parce que j'avais toujours l'impression qu'on disait du mal de moi.

Lennon et moi sommes bien différentes, mais surtout sur l’amour, moi je peux tomber amoureuse d’un sac de farine comme d’un homme, en trente secondes je m’imagine mariée au type qui est en train de choisir son papier toilettes, enfin vous voyez quoi, je usis du genre à tout le temps tomber amoureuse. Alors que Lennon, elle c’est différent, mettre un an à tomber amoureuse, pour moi c’est impossible, si un jour j’étais sur une île déserte, je me demande combien de temps je tiendrais sans tomber amoureuse. Regardez par exemple, dans ce jeu, ici, ça fait quoi ? Environ un mois je crois ou quelque chose comme ça, et bien, je suis tombée amoureuse en un mois, j’ai quand même tenu un moi avant de complètement craquer pour Clay. Ne comprenant pas ce que je marmonnais, ce uqi ne m’étonna pas, soyons honnête, à part Justin personne d’autre dans la maison ne pourrait comprendre je crois, étant les deux représentants français ici. Non, qu’elle se rassure je ne l’insultais pas, déjà parce que je n’ai aucune raison de le faire, et puis aussi parce que je ne suis pas du genre à parler dans le dos des gens, si j’ai quelque chose à leur dire je viens leur gueuler de dessus en face. « non, rassures-toi ! C’est un poème en français en fait, c’est l’un de mes préférés et comme on parlait d’amour ça m’a fait penser à ce poème, voilà tout. » je vais passer pour un hybride de marshmallow et de bisounours maintenant, génial !