Ft. Leander


L'une de mes mains venait étouffer l'un de mes nombreux bâillements. Je n'étais pas du matin, ce n'étais un secret pour personne. La plupart du temps, je me levais pour aller entretenir mon corps d'athlète olympique - la blague - avant de retourner me coucher pour finir en cours ou encore dans une piscine à bouffer les longueurs comme une tigresse. Seulement ce matin, je n'arrivais pas à dormir. Cette vieille peau de Laura avait eu la bonne idée de me fourrer dans une chambre avec deux mecs et l'un d'eux ronflait comme une locomotive, pour ne pas dire comme un gros porc. Je n'avais pas les yeux en face des trous. Je ne savais pas ce que je faisais. J'avais mis plus de dix minutes pour trouver une bouteille de jus d'orange, un bon quart d'heure pour mettre la main sur un pot de pate à tartiner et encore je ne parle pas de l'heure que je venais de passer à essayer de trouver du pain comme Indiana Jones voulait choper le Graal. Grossièrement, je venais étaler du Nutella sur mon morceau de blé avant d'y croquer dedans. Le gout exquis du chocolat qui venait fondre dans la bouche, un régal. Je fermais les yeux, profitant de ce moment tout en me mettant à tournoyer sur moi même telle une princesse qui rêve au prince charmant. Ma main venait heurter un obstacle. Mes pupilles s'ouvrait. En bonne maladroite que j'étais je venais de percuter la poitrine de l'un de mes camarades avec ma tartine dégoulinante de noisette. « Je suis vraiment désolé, je n'avais pas vu que tu étais là. » Je pouvais nettement le reconnaître. Il s'agissait de Leander, l'un de mes camarades de chambre. Je lui adressais un sourire avant de l'attraper par la main pour l’entraîner avec moi vers l'un des évier. « Retire ton haut, je vais te nettoyer tout ça, il me faut juste trouver de la lessive. » Il devait me prendre pour une folle, mais tant pis. Timide, gamine, je me tournais vers lui. « Enfin, seulement si tu le veux bien parce que je comprendrais tout à fait que tu ne veuille pas te déshabiller devant moi, après tout on ne se connait pas plus que ça, mais bon je risque de m'en vouloir toute ma vie si je ne répare pas ma bêtise. Tu comprends ? » Je lui adressais un sourire enfantin, amical.

C’était mon premier matin au sein de la villa et je m’étais levé aux aurores, à moitié parce que j’avais très mal dormi de toute façon (mon corps ne semblait pas accepter de se reposer, et je restais sur le qui-vive toute la nuit, à l’affut du moindre bruit, comme si je craignais pour ma vie – tu parles d’un paranoïaque), à moitié parce que j’avais pu m’éveiller tranquillement et profiter de la salle de bain vide à cette heure-ci, ce qui était nettement agréable. Conformément à ce que j’avais annoncé à Jenna la veille, je m’étais en effet arrangé pour prendre ma douche à un moment où ma pudeur ne risquait pas d’être contrariée par des visiteurs importuns. C’est seulement une fois que j’ai pris ma douche et que je me suis habillé que je me dirige vers la cuisine afin d’y prendre un petit déjeuner frugal. C’était mon premier jour à la villa, et, même si ma mère allait sûrement me surveiller grâce à sa télé, j’étais à l’abri et je pouvais faire ce qui me chantait sans qu’elle puisse interférer. Je n’avais jamais été fan des gros petits déj’ bien bourratif, un café noir me suffisait, et c’est tout ce que je comptais prendre. En arrivant dans la cuisine, je reconnais Lennon de dos mais n’ose pas l’interpeller, sans trop savoir si c’est parce que j’ai peur de l’effrayer, ou si c’est au contraire moi qui suis effrayé à l’idée d’avoir à discuter avec un de mes semblables. Même si, du peu que je connais Lennon, je n’ai pas eu le sentiment que je devais craindre quoi que ce soit d’elle. Trois secondes plus tard, je réalise que la seule raison valable de se méfier d’elle, c’était sa maladresse : elle venait malencontreusement de répandre du nutella sur ma chemise propre. « Je… Non, c’est… C’est pas grave. J’aurais dû… J’aurais dû te dire bonjour ou signaler ma présence, j’imagine que je t’ai surprise… C’est, c’est pas grave, vraiment. » Je bredouille, gêné. Gêne qui ne fait que s’accroître à la requête de la jeune fille. « Que je retire mon haut ? » je répète, interloqué, légèrement sous le choc. Je ne me sentais pas encore prêt à me montrer torse-nu. C’est le genre de situation qui ne me semblait absolument pas naturelle. Mais Lennon est si adorable, et elle a une telle façon de présenter les choses, qu’il me devient de plus en plus dur de résister. C’est que je n’ai vraiment pas envie de la contrarier. Alors, finalement, je m’exécute, docile. Je baisse les yeux vers ma chemise et commence à défaire le premier bouton, mais je suis si nerveux que mes doigts tremblotent légèrement et je peine à y parvenir. « Bon, c’est vraiment parce que je ne veux pas que tu portes le poids éternel de la culpabilité… » Je plaisante, encore un peu nerveux mais en notant une amélioration au niveau de mon anxiété. « Et pour être tout à fait honnête c’est un peu ma chemise préférée, alors si tu peux me la ravoir je suis prêt à laisser cet incident nutellien derrière nous. » J’ajoute ensuite en souriant, désireux de me détendre un peu plus.

Je n'avais pas eu le temps de mentir lors de mon casting. J'avais pourtant précisé que j'étais maladroite et que si la production voulait éviter les catastrophe au sein du jeu, il valait mieux que je n'intègre pas l'aventure, mais que voulait vous, avec ma bouille d'ange, personne ne pouvait me résister. Ce n'était pas tout les jours facile d'assumer un physique aussi ravageur que le mien. [...] Foutaise. Blague. J'avais bouffé un clown ce matin non ? J'étais tout le contraire de la nana sure d'elle physiquement parlant. J'avais plutôt tendance à me comparer à toutes les autres filles que je pouvais croiser et avec la belle brochette de dindes que Laura avait eu le culot de me mettre sous le nez, autant vous dire que j'envie envie de me jeter du haut d'un pont. Sérieusement, l'une avait une poitrine parfaite, l'autre, des fesses parfaite, une troisième avait des yeux à tomber par terre, la suivant avait la taille parfaite. Bref, j'étais complexé. [...] Petite parenthèse qui ne servait à rien, revenons en à nos moutons. Donc j'étais maladroite et en cette belle première matinée d'aventure, la gamine que j'étais avait eu la chance de le prouver en venant souiller de pâte à tartiner le haut de l'un de mes camarades. Je ne savais plus comment m'excuser, comment rattraper ma bêtises. J'étais un âne. Je ne laissais pas le temps à Leander d'ouvrir la bouche que déjà je l’entraînais avec moi près de l'un des éviers. Je l'écoutais baragouiner quelques mots. Sa timidité me faisait sourire. Étrangement, j'avais envie de le serrer dans mes bras comme s'il s'agissait d'un nounours. Oui, j'avais souvent des envies bizarres comme celle ci ou comme celle d'enlever la chemise de mon camarade avant de faire partir la tâche de chocolat au plus vite. Et voilà que je me lançais dans un discours interminable pour lui donner des raisons, pour le convaincre de l'enlever sa chemise. Il devait me prendre pour une folle. Je parlais trop, beaucoup trop. Ou pas. Il avait l'air de prendre cela avec le sourire. Il semblait nerveux et pourtant il plaisantait ou du moins, il essayait de plaisantait, mais étrangement, sa tentative me faisait sourire. Sourire que je lui adressais. Mes pupilles se posent sur ses doigts qui se trouvent au niveau du tout premier bouton de sa chemise. « Soit tu as la maladie de parkinson avant l'heure, soit je te fais peur ou alors t'as vu Nancy sans maquillage. » Et une petite blagounette pour détente l'atmosphère. Bon d'accord, c'était une blague de mauvais gout, mais si j'avais un humour de merde, je n'y étais pour rien après tout. Je l'observais, tâchant de ne pas me montrer trop insistante, impatiente. « Tu veux que je t'aide ? » Question stupide, premier acte. « Non, parce que si c'est ta chemise préféré, il ne faut pas la faire attendre. Elle risque de s'impatienter, de penser que tu l'aime plus ou un truc dans le genre, tu vois. » N'importe quoi. Et le pire, c'est que je me rendais compte que je disais n'importe quoi. Il devait me prendre pour une dingue, mais tant pis. Mes doigts venait défaire un autre bouton de sa chemise avant même que je ne fasse un pas en arrière. Je ne voulais pas le mettre mal à l'aise et je ne trouvais rien de mieux que de lui adresser un énième sourire pour tenter de le rassurer un petit peu, pour le mettre en confiance.

C’était inévitable et je savais que ça allait arriver pourtant quand Lennon remarque mon tremblement, je ne peux m’empêcher de m’empourprer et de laisser échapper un petit rire nerveux ; j’aurais aimé que mon trouble ne soit pas aussi flagrant mais j’imagine que je ne pouvais rien y faire : c’était ancré en moi. Sa remarque concernant Nancy parvient cependant à transformer mon rire nerveux en un rire amusé. « Je crois que si j’avais vu Nancy sans maquillage ma réaction serait sans commune mesure avec ce petit tremblement de rien du tout. » je lui réponds du tac au tac, trouvant dans l’humour une façon de camoufler ma timidité.

« Non non… Ça… ça va aller. » je baragouine, même s’il est évident que je ne m’en sors pas du tout. Je n’imagine même pas l’ampleur que pourraient prendre mes tremblements si les doigts de Lennon en venaient à frôler la peau de mon torse. Et plus je galère, plus je sens mes joues s’échauffer dangereusement. Je finis par capituler. « J’abandonne. » je souffle en laissant retomber mes bras le long de mon corps. Un sourire s’empare de mes lèvres quand Lennon insinue que ma chemise risque de se sentir mal-aimée. J’appréciais sa façon naturelle, spontanée, de sortir ce genre de remarques. Ça me mettait à l’aise – enfin, tout est relatif. J’avais l’impression que je pouvais dire plus ou moins n’importe quoi, et qu’elle ne m’en tiendrait pas forcément rigueur. « Et je ne voudrais pas qu’elle se sente trahie, tu as raison. Déjà qu’elle commençait à croire que je lui faisais des infidélités en portant trop souvent mon tee-shirt rouge… Et il n’y a rien de pire qu’une chemise jalouse. » je lâche, d’un air faussement décontracté. Lennon prend alors l’initiative de m’aider avec mes boutons, ce dont je lui suis reconnaissant. « Merci… Je te laisse continuer parce qu’à ce rythme je vais finir par la déchirer plus qu’autre chose… »

Il ne voulais pas que je l'aide. Tant pis. J'haussais les épaules, l'air de rien avant de me tourner pour ouvrir l'un des robinet, bouchant le siphon afin de laisser l'évier se remplir. Il ne me manquait plus que de la lessive et le tour serait joué. Ses joues avaient virés au rouge et je trouvais ça plutôt mignon, voire même complètement attendrissant. Cela me faisait sourire. Un sourire béat, complètement idiot qui venait border mes lèvres. Je le sentais pousser un soupir. Je me tournais, l'observant du coin de l'oeil avant d'ouvrir un placard à la recherche du graal, de la poudre blanche qui me rendra heureuse. Dit comme ça, c'était plutôt louche tiens. Un paquet blanc m'intriguait. Cela ne ressemblait en rien à de la lessive, mais tant pis. Je venais fièrement le brandir. « Tu crois qu'avec de la farine ça peux marcher ? » Question stupide. J'étais stupide. Je me sentais bête, mais je ne disais rien de plus sur ça. Sa timidité disparaissait petit à petit. Il commençait même à rigoler, à faire des petites blagounettes toutes mignonnes qui me faisait sourire, encore une fois. Il me laissait continuait ? Je lui jetais un regard d'incompréhension. Leander allait me laisser défaire son haut ? La situation devenait de plus en plus bizarre, mais me plaisait de plus en plus. Beh quoi, après tout il n'était pas moche le petit. De mes doigts fins et délicats, j'attaquais un autre bouton, puis encore un. « Et voilà. » Voulant le rassurer, je lui adressais encore un sourire. Mes pupilles plongeait dans les siennes. J'avais l'air d'une gamine en admiration devant une toute nouvelle poupée, une toute nouvelle robe. Je faisais un pas en avant, posant mes mains à plats sur son torse nu, ne le quittant pas des yeux avant de venir furtivement déposer mes lèvres sur les siennes. GOSH, mais j'étais en train de faire quoi là ? Je reculais, lui tournait le dos. « Pardon, je ... je ne voulais pas, enfin je ... excuse moi. » Je ne l'entendais plus, j'avais du le faire fuir. Mais quelle cruche j'étais.

Je me retiens de justesse de laisser échapper un léger éclat de rire quand Lennon brandit victorieusement un pot de farine devant mes yeux ébahis – je ne m’y attendais pas à celle-là. Je la regarde du coin de l’œil, une lueur taquine miroitant faiblement au fond de mes pupilles. « Ça dépend. Si tu comptes faire un gâteau à la chemise ça pourrait être carrément efficace, en effet. » Je faisais mon malin à plaisantant de la sorte mais au fond de moi je ne parvenais pas à trouver cette assurance que je cherchais à afficher. Il ne se passait d’ailleurs pas une seconde sans que je n’imagine ma mère me regardant à la télévision, espérant que mon attitude ne la décevrait pas. C’était mon premier jour ici mais j’avais le sentiment que cette expérience pourrait beaucoup m’apporter. C’était d’ailleurs bien la première fois de ma vie qu’une jeune fille déboutonnait ma chemise de la sorte. Je déglutissais avec difficulté en la regardant faire, sans oser émettre le moindre commentaire. Et puis elle lève les yeux vers moi, et j’ai l’impression que son regard me transperce de part en part. Je parviens à le soutenir avec difficulté, mais je ne veux pas faiblir et afficher une nouvelle fois ma timidité au grand jour en détournant la tête. Et tandis que cet échange de regard gagne en intensité, j’esquisse un discret sourire timide ; elle pose alors ses mains sur mon torse, ce à quoi je ne m’attendais pas, et j’inspire le plus discrètement possible une grande goulée d’air. Je ne suis pas paniqué, pas angoissé, pas stressé, juste figé dans le moment, sans savoir ce que je suis supposé faire, ou dire, ou penser. Et le contact fugace de ses lèvres contre les miennes ne m’aide pas à émerger ; je ne m’y attendais pas à celle-là non plus. Sans parvenir à analyser la situation, je reste là, bêtement, les bras ballants, tentant de réfléchir à toute allure, mais en vain, car mon pauvre cerveau embourbé ne m’aide guère. « Je… Non, je… C’est… Je veux d-dire… » Bien, Leander, bien. T’es vraiment très éloquent mon gars, tu vas aller loin comme ça. Un vrai tombeur. « Y’a pas… Y’a pas de mal… » je bredouille, penaud et bêtement heureux à la fois. Et même si je ne peux pas les voir, je soupçonne mes joues d’avoir virer au cramoisi. « C’est pas… C’est pas si désagréable non plus, je vais pas me plaindre. » J’ajoute, soudainement téméraire ; c’était plus facile de sortir ce genre de réplique quand elle me tournait le dos et que je ne voyais pas son expression faciale en direct.

Une idiote. J'étais une idiote de première catégorie et c'était tout. Une gamine complètement incapable de calculer ses pulsions. Une enfant qui croyait dur comme fer à l'existance d'une machine à remonter le temps. N'empêche que si cette putain de machine existait, je n'aurais pas hésité une seule seconde pour l'utiliser là, maintenant, tout de suite, afin de revenir en arrière. Si elle existait je n'aurais très certainement pas souiller le chemise de Leander et je ne lui aurais pas donné de baiser. Stupide. J'étais stupide voilà. Je n'osais même plus le regarder. Je ne savais même pas quoi lui dire. J'avais l'impression qu'il m'avait contaminé avec sa timidité. J'avais les pommettes en feu, écarlate. J'avais le sentiment d'être une adolescente qui venait d'échanger son tout premier baiser avec celui qu'elle croyait être l'homme de sa vie, le seul, l'unique, le prince charmant. Était-il toujours là ? Ma question ne restait pas bien longtemps sa réponse. Sa voix hésitante s'élevait dans les airs. Le fait de le savoir encore près de moi me rendait encore un petit plus gêné que ce que je ne l'étais déjà. Mes mains cherchaient une occupation coupant l'eau une première fois, tripotant un chiffon la seconde d'après avant d'ouvrir à nouveau le robinet pour laisser couler le liquide qu'il retenait. Mes mains se posait sur le paquet de farine qui se trouvait là au moment même où il venait avouer que cela n'avait pas été si désagréable, qu'il n'avait pas à se plaindre. C'était bien lui qui venait de dire ça ? Je ne le connaissais pas plus que ça, mais je savais pertinemment que ce genre de réflexion ne lui ressemblait pas et mon étonnement se marquait par la farine qui venait s'étaler en une épaisse montagne blanche sur mes pieds, juste devant lui, faisait naître un nuage qui me faisait tousser., qui rendait mon visage aussi blanc que de la neige. Une cruche. J'étais une véritable cruche. Je baissais les yeux, ne sachant que faire. « Excuse moi, je n'ai pas fait exprès. » Deuxième fois que je m'excuse en à peine deux minutes. J'en avais des choses à me faire pardonner on dirait. L'air de rien, je me baissais pour ne pas croiser regard, pour ramasser la farine sur le sol. Seul hic, je n'avais pas de quoi nettoyer ma bêtise et ne sachant pas où trouver ce qu'il fallait pour le faire, j'étais contrainte de demande de l'aide à mon camarade. « Tu ... Tu sais où je peux trouver un balai et une pelle s'il te plait ? » C'était fou, mais je devais avoir l'air d'une folle là.

Si je n’avais pas été figé sur place, incapable d’esquisser le moindre mouvement ou d’entamer une quelconque réflexion sur la marche à suivre dans ce genre de circonstances, j’aurais sûrement pris mes jambes à mon coup depuis belle lurette. Rien ne m’avait préparé à ça. Je n’avais aucune idée de ce qu’elle attendait de moi, de ce que tout le monde attendait de moi, et j’avais l’impression de ne pas être à ma place, ou de jouer le mauvais rôle. Tout cela me paraissait bien trop compliqué. Je me dis qu’il n’est pas trop tard pour m’en aller, mais je n’ai pas envie d’être lâche, et j’aurais voulu affronter cette situation, ne pas fuir comme j’en ai l’habitude. À la base, si j’ai rejoint ce jeu, c’est justement pour m’enhardir un petit peu. Jusque-là, tout a bien commencé, ou presque. C’est encore trop tôt pour repartir la tête baissée sans demander son reste. « C’est… C’est pas grave Lennon. » je lâche, hésitant à l’aider sans trop savoir comment m’y prendre. C’est curieux et inhabituel mais j’ai l’impression qu’elle est plus gênée que moi – en un sens c’est peut-être normal puisque c’est d’elle que vient l’initiative du baiser. « Je ferais peut-être mieux de… te laisser, je… Je sais pas, j’ai l’impression que… » Je cherche mes mots, en vain. « Que tu préfèrerais être seule, et je… Je devrais y aller. » Chassez le naturel, il revient au galop. Peut-être que je ne devrais pas chercher à trop me battre contre mon destin, et accepter ma personnalité telle qu’elle est. « Il me semble qu’il y en a dans la placard là-bas… » je souffle en désignant un placard d’un signe de tête.

J'envie envie de disparaître là, maintenant, tout de suite. Si seulement je pouvais me transformer en un animal minuscule qui n'aurais aucun mal à se faufiler entre les meubles pour prendre la fuite. Je n'osais même pas le regarder. J'essayais de faire basculer la conversation sur tout autre chose, mais à chaque fois une nouvelle catastrophe venait faire son apparition. Non pas que le baiser était une catastrophe, il était même plutôt agréable, voire très agréable, mais je ne savais pas vraiment pourquoi j'avais eu la folle envie soudaine de faire cela. Il me rendait complètement folle avec son petit côté timide. Plus les secondes passaient et moins je me sentais à l'aise. J'avais l'impression de devenir dingue. Je m'excusais encore une fois et comme pour faire se répéter la scène précédente, il me disait que ce n'était pas grave. Je n'avais pas le temps de parler qu'il reprenait presque aussitôt et ses paroles me faisaient réagir bien vite. « Non, reste. » Ma main venait attraper l'une des siennes. Je tirais légèrement dessus pour qu'il ne s'échappe pas, pour l'obliger à rester. Me rendant compte de ce que je faisais, mes pupilles trouvaient le sol alors que je me rétractais, ramenant ma main dans l'une des poches de mon jeans. « Enfin, seulement si tu le veux. » Je faisais quelques pas en direction de l'un des nombreux placards pour en ouvrir un au hasard à la recherche d'une pelle et d'un balai. Je fermais les yeux un très court instant. Bon sang que j'étais cruche. Et mon coeur qui ne faisait de cogner contre ma poitrine.

Le temps semble se figer quand Lennon saisit ma main, j’ai le temps de relever les yeux vers elle, surpris et perplexe à la fois ; ce genre de contacts ne m’est pas familier, et je ne suis pas à même d’adapter mon attitude en fonction de ce geste. La situation est particulière. Tout ici est fait pour être vu, tout ce que l’on peut faire, ou dire, ou laisser comprendre, tout cela va être retransmis, et tout est susceptible d’être vu et entendu par nos colocataires, et je ne parviens pas à l’oublier une seule seconde, même si par moments je suis tenté de croire en la spontanéité du moment et au naturel de chacun. Et c’est cela que je ressens quand Lennon s’empare de main, que tout cela ne peut être qu’un jeu, une stratégie, quelque chose qu’on est sensé faire, tout comme cela peut avoir un fond de vérité. Je déglutis avec difficulté, ne m’y retrouvant plus dans toutes ces émotions contraires. « Je crois que je ferais mieux d’y aller. » Ces mots n’avaient pas été évidents à prononcer, car je ne voulais lui faire de la peine d’une quelconque manière, mais il me semblait que c’était la chose la plus sage à faire. « Je suis désolé. » je lâche d’une voix faible, avant de tourner les talons.

J'avais l'impression d'être dans cette pièce depuis des heures durant, mais il n'en était rien. En à peine dix minutes, mon aventure venait de prendre un tournant des plus étranges. Je ne pourrais jamais regarder Leander comme s'il s'agissait d'un simple candidat qui partageait la villa avec moi. Un simple baiser stupide venait de changer un tout petit détail. J'avais honte. Je ne savais plus où me mettre. J'avais envie qu'il reste. J'avais envie qu'il parte. Plus les minutes passaient, plus l’incertitude me gagnait. Sans réellement savoir pourquoi, j'attrapais sa main, le gardant quelques secondes de plus près de moi avant de me rétracter. Il ne voulait pas, il n'avait pas envie de rester ici, il me le faisait clairement comprendre et je pouvais le comprendre. Un bref soupir d'échapper d'entre mes lèvres. Bizarrement, j'étais quelques peu soulagé. Ou pas. Je pourrais réfléchir à tout ça, mais je n'en avais pas envie. Je tournais la tête pour le voir quitter la pièce. Je ne disais rien, m'asseyant sur le sol, le dos contre l'un des placards, fermant les yeux. Conne, j'étais complètement conne.


Rp terminé.