Quelques jours passés. Je ne sais pas combien de temps je vais tenir. Sans me faire éliminer, je veux dire. Je crois, finalement, d’avoir passé autant de temps sans voir quasiment personne n’est pas bon. Pour quelqu’un d’humain. Je vous assure. J’ai l’impression d’être différente d’eux. Genre, dans ma tête. Enfin. Je suis pas à l’aise non plus, faut dire. Etre enfermée avec autant d’inconnus, ça n’me réussit pas du tout. Je crois que je ne m’intégrerai jamais. Et je vais finir frustrée. Parce que ça fait plus de huit mois que je ne me suis pas envoyée en l’air. Et j’ai envie de sauter sur tout ce qui bouge ici. C’est affreux je vous dis, affreux, affreux. Soit. J’ai pris mon sac. Je me suis tirée. Pas du jeu hein. De la villa. Si j’abandonne le jeu, je ne gagne pas d’argent. Si je ne gagne pas d’argent, je ne peux plus acheter de matériel pour dessiner. Si je ne peux plus acheter de matériel, je ne peux plus dessiner (logique, remarquez). Si je ne peux plus dessiner, je ne peux plus travailler. Si je ne peux plus travailler … ah bah, je n’ai plus d’argent. Et je crève. De faim. De froid. CQFD. Je dois tenir, question de survie. Soit. Je me tire, donc, et je trace dans la ville, tout ça. Jusqu’à ce que j’arrive devant une maison. Parait qu’elle est hantée. Genre, des fantômes, je crois. Ou des monstres. Je sais plus. Soit. Hors de question de risquer ma vie. Je ne suis pas suicidaire. Je me retourne, avec l’intention de décamper sérieux, mais je vois un type, genre, à deux centimètres de moi. Super proche quoi. Je sursaute. Froussarde. Putain de froussarde. « T’es dans le jeu toi, non ? Est-ce que tu m’as suivie ? » sait-on jamais, où, comme dans les films, cet individu m’a suivie parce que je suis carrément trop bonne, et qu’il rêve d’une nuit avec moi, mais ne sait pas comment m’aborder, mais ne veut pas me perdre de vu, donc, me suit. Ou alors, c’est un psychopathe qui m’a volé dans mon sac sans que je me ne m’en rende compte. C’est possible aussi.

Première journée au sein de l’aventure qu’était The Werewolf Game, autant vous dire que j’avais carrément ratée la première occasion de faire connaissance avec les autres candidats lors de mon arrivée. Pas que je sois un sauvage bien au contraire mais me retrouver avec vingt-sept inconnus avait eu un effet intimidant, certains avaient déjà surement les faveurs du public, pas bien difficile puisqu’on découvrait toujours dans les émissions du genre une ou deux personnes qui faisaient des bourdes ou qui mettaient au contraire le feu à la maison dès la première minute. Les fameuses personnes n’allaient rarement moins loin que la sixième ou même septième semaine et ces dernières faisaient énormément de SAS, ce qui est sûr c’est que je n’étais pas une grande gueule depuis hier, je semblais endormi pour le moment mais c’était juste le temps de me mettre dans le bain, j’avais déjà eu du mal à me rendre compte du fait que je n’allais pas dormir dans la première poubelle du coin cette nuit et la chambre dans laquelle j’étais logé était plus que confortable. Il était néanmoins venu l’heure pour moi de partir à l’aventure et quelle aventure... Levé très tôt comme à mon habitude parce que dormir dans une poubelle n’avait rien de confortable et que l’odeur de la puanteur chauffée par le soleil réveillait très vite j’avais pris le temps de prendre une bonne douche chaude et de me vêtir très légèrement d’un petit marcel en col V. Quittant la villa je marchais pendant une bonne dizaine minutes avant finalement de me retrouver derrière une jolie petite rousse qui se rendait à la maison hantée du coin. L’histoire de cette maison était glauque, c’est du moins ce que j’avais compris en discutant avec deux jeunes qui avaient visionné l’émission la veille. Être reconnu ça n’était pas désagréable en réalité. « T’es dans le jeu toi, non ? Est-ce que tu m’as suivie ? » Je la regardais un instant, elle était un peu comme moi, en ville j’aurais tout le mal du monde à reconnaitre l’un de mes camarades, surtout après même pas vingt-quatre heures de jeu. « Je suis candidat, je suppose que c’est aussi ton cas et... Non, je ne suis pas un pervers... Tu es en quête de frissons ? » Lui demandais-je en observant la vieille baraque devant nous. « Oh et... Moi c’est Caleb! »

Le blondinet (plutôt pas mal avec qui j’aimerai faire quelques activités non-catholiques) est candidat. Je ne l’ai pas du tout vu lors du prime. Faut dire, j’étais occupée à décamper, moi et mes seins visibles de tous. Je déteste Félix, je crois en fait. Je lui ferais payer un jour tiens. Il affirme ne pas être un pervers. Ce qui a du bon. Quoi que, les gens criant « je ne suis pas pervers je le jure » sont souvent bizarres, en fin de compte, mais bon. On va le croire, le petit hein. « En quête de frissons ? Ouais. Enfin, non. Tu comptes rentrer là-dedans toi ? » Imaginez qu’il compte vraiment y mettre les pieds. Et qu’il n’en ressorte jamais. Enfin. C’est ce que les gens disent, je crois. Qu’on en ressort pas franchement ; Ce qui serait dommage, et ce qui me donne pas vraiment envie de tenter l’expérience en fait, parce qu’à bien regarder, je préfère autant être dehors plutôt que de risquer je-ne-sais-quoi dans une maison poussiéreuse où je ne pourrais peut-être jamais ressortir. J’espère qu’il ne compte pas y foutre les pieds. Parce que si je reste ici à l’attendre, et qu’il ne ressort jamais, ça se passera pas franchement bien. Si je file autre part et qu’il finit dans le journal, partie personnes disparues, je me sentirais coupable, parce que je me dis que j’aurai pu le sauver. Et puis, si je l’accompagne .. Hm. Non. Dernière option impossible à imaginer. Il s’appelle Caleb. « Je suis Scampi ! Et pitié, ne m’appelle pas « mon crustacé », quelqu’un s’en charge déjà ici, et autant dire que c’est pas franchement cool, enfin, un crustacé, c’est pas tellement joli ni attirant à la base, tu comprends, j’ai l’impression d’être aussi bonne qu’un crabe après. »

Je n’étais pas le plus jeune des candidats, du moins je l’espérais parce qu’être la mascotte, le petit que tout le monde cagoleait au cas où quelque chose de mal lui arriverait ne m’intéressait pas. Je savais très bien en rejoignant cette aventure qu’il y aurait surement beaucoup de personnes plus vieilles et scandaleuses que moi mais je n’étais pas là pour faire le buzz de toute manière, j’avais juste une maison pendant quelques temps et peut-être que la presse aurait des choses à dire sur moi en sortant de l’émission, de quoi gagner un minimum de notoriété et trouver un boulot en plus d’avoir un appartement. J’espèrais vraiment que cette aventure me sortirait de mon statut d’SDF que je détestais plus que tout au monde. Bref, j’avouais ne pas être un pervers à la petite rousse me rappelant que ceux qui disaient ne pas être quelque chose l’étaient généralement... Ce n’était pas mon cas en tout cas. « En quête de frissons ? Ouais. Enfin, non. Tu comptes rentrer là-dedans toi ? » Je souriais amusé m’approchant d’elle pour arriver à sa hauteur... Enfin, à quelques centimètres puisque j’étais bien plus grand qu’elle, dix centimètres de plus on va dire. « Je voulais déjà voir à quoi ressemblait cette fameuse maison... Je me dis que faire un petit tour là-dedans doit être excitant... Encore plus avec une fille ! » Je lui adressais un regard involontairement aguicheur, je n’avais pas eu droit à une relation sexuelle depuis des mois et j’étais vraiment en manque, je conservais néanmoins mes bonnes manières. « Je suis Scampi ! Et pitié, ne m’appelle pas « mon crustacé », quelqu’un s’en charge déjà ici, et autant dire que c’est pas franchement cool, enfin, un crustacé, c’est pas tellement joli ni attirant à la base, tu comprends, j’ai l’impression d’être aussi bonne qu’un crabe après. » Je pouffais de rire, il est vrai qu’un crustacé n’était pas vraiment attirant. « Tu préfères être une moule qu’un crabe ? Non parce que ça n’est pas plus flatteur comme surnom. »

Bien sûr, c’est bien ma veine ça, le blondinet est vachement partant pour visiter la maison. Forcément. Je veux pas me la jouer dégonfler, mais euh, voilà. Moi, les trucs un peu bizarres, j’aime pas tellement, vous voyez. Je suis pas pote avec les esprits, fantômes, tout ça. Tout ce qui n’existe pas, mais on sait pas, parce que y’a des couillons qui disent que, donc, ça me trou le cul, soyons sérieux, parce que c’est suffisant pour que j’ai la trouille. Hm. Excitant, d’après lui. J’ose espérer qu’il trouve cela excitant, côté adrénaline. Parce que, excitant, dans l’autre sens, perso, euh, non, merci, coucher entre les toiles d’araignées et la poussière, euh, y’a mieux. D’autant plus que j’aurais la frousse toutes les deux secondes. Comprenez. Y’a mieux comme ambiance. « Donc, tu comptes vraiment y aller. T’es pas drôle, franchement, si t’y vas, je suis obligée de t’y accompagner, parce que je vais pas te laisser risquer ta vie sans rien faire, tu comprends, j’en dormirais plus la nuit. » enfin, vous me comprenez. Excusez-moi d’être une trouillarde de nature. J’ai pas son courage. Si on peut appeler ça du courage, je sais pas trop en fait. Mais bon, mettons. Je ne l’ai pas. « Je t’ai pas demandé de m’appeler « ma petite moule » non plus tu sais. Trouve un surnom bien flatteur, tu vois, ce serait cool. Ou alors, tu m’appelles juste Scampi, c’est pas trop mal non plus. » Soit. Je le lâche du regard. La maison, donc. «Y’a moyen que je parvienne à te convaincre de ne pas y foutre les pieds ? » et par conséquent, que je n’y foute pas les pieds non plus.

Je n’étais pas un froussard et d’aussi loin que je puisse me souvenir j’avais toujours eu cette certaine attirance légèrement malsaine pour le paranormal. Qui n’avait jamais eu envie de faire une séance de spiritisme ou de prononcer le nom de Bloody Mary trois fois dans le miroir de sa salle de bain pour voir si quelque chose se produisait vraiment à part peut-être un sévère cas d’incontinence provoqué par la peur. J’aimais l’adrénaline engendrée par la peur, ça donnait le sentiment de bien être vivant et cette adrénaline on pouvait également la ressentir à quelques secondes de plonger dans la vide sur un grand huit, en faisant de l’escalade et ce genre de choses quoi… Aujourd’hui j’étais tout simplement curieux de savoir si cette maison était réellement hantée, si c’était vrai il y avait une chance pour que je disparaisse mystérieusement mais qui ne tente rien n’a rien n’est-ce pas ? « Donc, tu comptes vraiment y aller. T’es pas drôle, franchement, si t’y vas, je suis obligée de t’y accompagner, parce que je vais pas te laisser risquer ta vie sans rien faire, tu comprends, j’en dormirais plus la nuit. » Je pouffais de rire, comme si sa présence allait empêcher un malheur de se produire si une quelconque entité était présente dans la maison. Non, elle aurait juste été la rouquine qui mourrait en première pour que le mec puisse courir vingt secondes de plus avant de se retrouver face à son horrible destin lui aussi. « T’es gentille… Mais je suis curieux, pas toi ? » Je lui adressais un regard défiant, était-elle capable de mettre les pieds là-dedans. « Je t’ai pas demandé de m’appeler « ma petite moule » non plus tu sais. Trouve un surnom bien flatteur, tu vois, ce serait cool. Ou alors, tu m’appelles juste Scampi, c’est pas trop mal non plus. » Je rigole, elle devrait être humoriste, ça lui irait comme un gant. « Non… Je vais définitivement passer mon tour pour la petite moule… Au pire j’pourrais toujours t’appeler le macaque… Je trouve que t’as un air de famille avec les primates… » Je souriais amusé, taquinerie quand tu nous tiens… C’était décidé, à présent je ne l’appelais plus Scampi mais petit singe ou Macaque. «Y’a moyen que je parvienne à te convaincre de ne pas y foutre les pieds ? » Je la regardais avec un petit sourire légèrement sadique approchant de la vieille porte du portail qui grinçait pire que dans un film d’horreur. « Si on croise un zombie simule une crise d’épilepsie… Tu as déjà la tête de l’emploi il te prendra pour l’une de ses congénères. »

Ce qui est drôle avec Caleb, c’est qu’en fait, quoi que je dise, j’ai l’air de le faire rire. Je sais pas si je dois bien le prendre ou non, en fait. Genre, s’il se moque de moi, vous comprenez. Enfin. Je préfère « bien » le prendre, parce que bon. Il m’a pas l’air bien méchant, et j’ai pas envie de me disputer, vous voyez. Et puis je l’aime bien pour l’instant, alors bon. Il dit être curieux. Ah. « Mmm. Curieuse de savoir au bout de combien de temps je vais me mettre à hurler comme une pimbêche ? Non, pas vraiment. » Oui, parce que, si je rentre là-dedans, je sais pertinemment que je vais finir par crier, au bout d’un moment, et que je serais nerveuse tout le temps. Comprenez-moi, si quelque chose de bizarre, et j’entends par-là de surnaturel, se déroule vraiment dans cette maison, je ne veux pas le voir. Plutôt mourir que de voir quelque chose d’anormal, vous voyez. M’appeler le macaque ? Je m’offusque, je proteste. Ma bouche forme un « O » parfait, pour montrer mon choque. « T’OSERAIS ? » il joue sa vie en jeu-là ouais. On ne restera pas potes longtemps. Entre crevette et macaque. J’ai de la chance avec les surnoms, je trouve, vraiment. Ironie. Bien entendu. Soit. Je me rends compte qu’on est maintenant devant la porte du portail. Genre, si même la porte vous donne des frissons (et des frissons de trouille, soyons bien clair) imaginez l’intérieur de la baraque hein. Finalement, je retire. Je déteste Caleb. Parce que je sens que je vais rentrer là-dedans. Et honnêtement, je kiffe pas franchement avoir peur, vous voyez. « Hahaha. T’es pas drôle hein. En plus tu te moques de moi. » Soit. J’attends, pieds collés aux sols. Parce que vous pensiez peut-être que j’allais être celle qui ouvre le portail ? Haha.