Il me fit remarquer, sur le ton de la rigolade, que ce n’était pas moi qui avait les yeux en face des trous. Visiblement, il a une aussi bonne estime de lui que moi. Il n’a pas l’air de se trouver beau, alors que croyez moi, il l’est ! D’ailleurs, dans cette maison, tout le monde l’est, fille comme garçon, je fais un peu tâche dans le paysage en fait. Parfois, les hommes me disent que j’auras du faire mannequin ou autre chose du même genre, mais je suis sure qu’ils disent juste ça pour me flatter. J’aime bien qu’on me fasse des compliments, comme tout le monde je pense, et je les accepte sans rien dire, mais je préfère que les gens soient honnête avec moi. Je le suis avec eux, je ne suis pas du genre hypocrite alors je veux qu’ils le soient aussi. Bref. Clay lâcha ma main, oh non, je ne suis vraiment pas douée, j’espère qu’il ne va pas s’imaginer des trucs parce que je lui prend la main. J’aime bien faire des câlins, des bisous ou prendre la main des gens, mais pour moi c’est juste un signe affectueux et d’amitié, ça ne veut en rien dire que je ressens quelque chose. Si ça se trouve il va plus vouloir me parler, j’espère pas, ça jetterait un froid dans la chambre et ce ne serait pas très cool. Finalement il commença à se baisser, mais qu’est qu’il fout ? Il m’attrapa et me posa sur son épaule, sans aucune douceur. J’ai l’impression qu’il me prend pour une bête qu’on vient de chasser et qu’on ramène à la maison pour la vider. J’espère qu’il ne compte pas me manger, de toute façon il y a les caméras. A part dans les douches, il va me manger dans les douches, en plus il a dit qu’il a faim. Je commence un peu à avoir peur, même si les chances pour qu’il me mange son infime. Bon finalement on arrive dans la cuisine, ouf ! A moins qu’il ne veuille prendre un couteau, histoire de ne pas non plus me tuer à mains nus, chose qui seraient très douloureux. Enfin le couteau n’est pas franchement mieux. Je suis toujours sur son épaule, le voyage ne fut pas des plus agréables mais bon. « je commence à comprendre pourquoi tu es encore célibataire, tu as une façon de faire avec les filles assez…originales. Je ne suis pas sure qu’elles apprécient toutes. Mais sinon tu peux me lâcher s'il te plait ?! » mais j’y pense, il est peut être gay. Non ce ne serait pas cool, enfin je veux dire, il ne peut pas être gay. Enfin après tout j’en sais rien, je tombe toujours sur des connards ou des gays. Alors comme Clarence n’est pas si méchant que ça – à moins qu’il ne me mange auquel cas je ne serais plus du même avis – donc il doit être gay !

15 août ; &ROSALINE

C'était enfin l'heure de se remplir un peu l'estomac. Clarence commençait à avoir une faim de loup et s'il demeurait quelques minutes de plus dans sa chambre avec Rosaline, il ne donnerait pas cher de sa peau. A l'aise avec lui semble-t-il, elle lui prit la main mais il eut vite fait de trouver une combine. Clay n'était pas fervent des démonstrations affectives en public. C'était quelqu'un d'attentionné et de plutôt câlin quand il connaissait et appréciait la personne. D'autant plus que plusieurs jours/semaines dans cette maison achèverait de rendre tout le monde en manque d'affection, lui-même n'y échapperait pas il le savait. Mais des caméras enregistreraient tout ça et il s'en sentait gêné. Il ne connaissait pas son prénom il y a quelques heures, c'était définitivement impossible qu'il se laisse prendre la main comme ça. Au fond, Clarence était un animal un peu effarouché qui cachait ses craintes derrière un grand sourire et une carrure travaillée. Dans toute la délicatesse qui le caractérisait, il la souleva par-dessus son épaule et la trimballa comme ça jusqu'à la cuisine. Peu de personnes étaient levées à cette heure-ci et par chance, ils ne croisèrent personne. Une fois arrivés, Rosaline le somma de la laisser descendre. D'abord, Clay fit semblant d'entendre une voix et fit volte-face plusieurs fois à la recherche de la voix, la faisant tournoyer. Puis ensuite, il leva les yeux au ciel comme si ça pouvait l'aider à la voir puis répliqua: « La banalité m'afflige. Mais j'ai pris soin de toi je t'ai portée jusqu'ici, estime-toi heureuse. » Il était évidemment ironique. Attirant une chaise jusqu'à lui, il finit par reposer Rosaline directement sur le siège. Il posa ses coudes sur le comptoir puis la fixa intensément: « Qu'est-ce que je vous sers, mademoiselle ? » Il fallait bien se rattraper de cette boutade qui effectivement ne plaisait pas à tout le monde.

En fait, je crois vraiment que c’est un malade ce mec, ou alors c’est juste un boulet comme moi, c’est au choix. J’aimerais bien dire qu’il est maladroit, parce que ça me rassurerais et aussi parce que ça nous fait un point en commun. A part dans un domaine où je me défends assez bien – le sport – je suis une vraie cruche, surtout en cuisine. Je sais à peine faire cuire des pâtes sans faire exploser la maison. C’est pour ça que je m’arrange pour que quelqu’un d’autre cuisine ou je prends un plat tout prêt dans le frigo. Je sais ce n’est pas bien de faire ça, parce que les plats tout prêt sont très gras et pas hyper bons, mais je mange de tout, j’adore manger. En fait, lorsque je vais manger chez mes parents, je dois les prévenir à l’avance, qu’ils fassent deux fois plus de repas que d’habitude, je mange tellement ! Même si ma mère n’est pas un cordon bleu, enfin disons qu’elle ne sait bien faire les macarons et je ne me plain pas, adorant ça. Clay me faisait tournoyer dans les airs comme une girouette, et puis il dit sur un ton ironique que je devais m’estimer heureuse qu’il m’est porté jusque ici. IL prit une chaise et me posa directement dessus, je crois que c’est le premier geste gentleman qu’il m’a fait jusque là. En même temps, je doute que dans sa cabane dans la forêt il y ait grand monde. Je pense qu’il est plutôt solitaire, qu’il aime bien rester seul avec les bêtes et pas avec des gens, il doit être un peu coupé du monde. Il se posta devant moi, en mode serveur, et me demande ce que je veux. Dis donc il fait de gros progrès pour parler aux filles. Je plonge mes yeux dans les siens et dis « ce que vous voulez. Au fait, est-ce que le sexy serveur est gay ? » pourquoi est-ce que je peux pas juste la fermer. J’espérais d’une qu’il ne soit pas gay, bien que j’adore les pays et de deux, qu’il ne s’énerve pas.

15 août ; &ROSALINE

Personne ne connaissait Clarence ici hormis Sarah et tous seraient bien surpris d'apprendre dans quel monde il était né. Comme tous le gosses, il avait reçu une éducation plutôt stricte même. Il avait grandi dans un quartier chic de banlieue avec ses jardins bien soignées et ses rues sécurisantes. Il avait fait sa scolarité normalement, avait fait les quelques bêtises qu'un adolescent aurait fait. Lui aussi avait été tiraillé par les hormones masculines, avait fait ses premières expériences avec des filles, draguait tout ce qui bougeait. Ca n'était qu'enfermé dans sa chambre qu'il vivait cette passion qui n'était pas au goût des autres par ici. Il avait du attendre sa majorité américaine c'est-a-dire 21 ans pour enfin dire merde à ses parents en premier et partir vivre comme il l'avait entendu. Ca n'était pas un ermite, ça n'était pas un vieux garçon qui ne se lavait pas pendant des journées entières. Les visiteurs du parc seraient surpris du confort du chalet spacieux dans lequel il vivait seul. Il s'était forgé sa propre personnalité et malheureusement pour certains un peu trop précieux, il avait aussi acquis maladresse et impulsivité parfois comique. Lorsqu'il reposa Rosaline sur la chaise, il n'avait pu prévoir qu'elle puisse le prendre mal mais le sourire qu'elle arborait laissait penser que ça n'était pas si grave. Pour se faire pardonner, il lui demanda ses exigences en matière de petite-déjeuner. Elle lui répondit qu'elle prenait tout ce qu'il souhaitait puis lança de but en blanc une question pour le moins incongru. Clay l'observa d'abord quelques secondes, interdit, pour savoir si c'était ironique mais non elle demeurait sérieuse. Se retournant pour attraper quelques oranges et un pressoir, il haussa les épaules et Rosaline put remarquer dans le miroir de la cuisine un sourire amusé: « J'en ai si l'air que ça ? » Il pressa quelques oranges pour remplir deux grands verres puis sucra légèrement la boisson avant de poser le verre devant Rosaline. Il lui apporta une corbeille de fruits puis entreprit de faire une pâte avec tout ce qui était à disposition dans les placards. « Et bien non, j'aime les femmes. Tu pourras d'ailleurs interroger une habitante à ce sujet. » Il se retourna pour lui faire un clin d’œil puis revint à son labeur. « Pancakes. C'est bien la seule recette que je maitrise alors tu as intérêt à les manger. »