31 août ; &LENNON

Clarence n'était pas croyant. Il n'aimait pas prier, et encore moins l'ambiance glauque et conservatrice des églises. Alors pour s'approcher de celle de Rollington ? C'était une bien bonne question qu'il se posait encore lui-même. Il fallait croire que l'ennui le menaçait à chaque instant ou que l'aventure était en train de le transformer en un autre homme... Qu'importe, une de deux raisons était quand même plus probable que l'autre. Au détour d'une promenade de quelques heures, il avait plutôt apprécié l'architecture de celle-ci. Et puis les quelques figurants qu'il avait croisés à l'occasion n'avaient cesse d'être fiers de leur église alors le garde-chasse leur rendait en quelque sorte hommage de par sa visite. C'est quand il poussa l'énorme porte boisée que Clay resta pantois. L'endroit était immense, le plafond inatteignable. Un silence de mort régnait et c'était bien cette paix ambiante qui fit frissonner l'homme de malaise. Il ne se sentait pas à sa place ici. C'était lieu à recueillement, à pardon et prières, que pouvait-il bien faire ici ? Confesser ses pêchés ? Ils étaient si nombreux en fait. L'impression d'être à la fois seul au monde et terriblement observait lui prenait la gorge. Il se sentait comme étranger dans ce lieu de pureté et cette idée plutôt gênante le convainquit de faire demi-tour, tant pis pour la beauté de l'architecture. Mais une jeune femme au loin de dos, juchée sur l'estrade de bois ciré, attira son attention. Mais c'était une des candidates ! Que faisait-elle là ? Curieux, Clarence s'approcha donc en silence puis au fur et à mesure que la distance entre elle et lui se réduisait, il put l'entendre marmonner. Abasourdi de ce qu'il était en train d'entendre, il s'arrêta finalement juste derrière elle, presque hilare. Lennon avait bien des secrets à revendre malgré ses airs de séductrice pour dire ça poliment. Se penchant vers elle, un sourire au visage, il chuchota, brisant le silence de l'église: « Tu veux que je joue le prêtre ? »

Les apparences sont parfois trompeuses et j'en étais la preuve vivante. Sous mes airs de garce, j'étais une jeune femme extrêmement croyante qui pouvait passer des heures entières, à garder le silence, en plein coeur d'une église. J'admirais l'architecture de ces géants de pierre. J'aimais sentir la fraîcheur des lieux se coller contre ma peau, parcourir mon échine et ainsi me faire frissonner. Plus jeune, je me rendais à la messe, chaque dimanche matin, en compagnie de mes géniteurs et de mes frères avant de retrouver ma famille pour un déjeuné chez mes grands-parents maternels. Ce rituel était bien souvent barbant, mais je me forçais à l'exécuter pour faire plaisir à mes parents qui me voyaient déjà comme une future mère de famille conduisant ses enfants à l'église chaque dimanche aux bras de son époux. Il me voyait comme eux, former une petite famille anglaise traditionnelle, croyante et pratiquante, mais je n'aimais pas suivre les moutons et aller prier en même temps que les autres. J'appréciais de venir seule, à une heure inhabituelle, afin de me retrouver en communion avec moi même. Lorsque j'avais besoin de réfléchir sur un point, je n'hésitais pas à venir profiter de ce silence pour trouver des réponses. Malheureusement, depuis que je me trouvais à New York, je n'avais plus le temps de me prendre à ce jeu ridicule de la jeune femme croyante qui rêvait d'une vie bien rangée. Je savais qu'il y avait une église dans le village et j'avais envie d'aller la découvrir, de replonger dans mon enfance. Mes mains contre le lourd morceau de bois, je poussais la porte avant de pénétrer dans ce lieu magique pour certains, glauque pour d'autre. Je ne tardais pas à tremper mes doigts dans l'eau bénite avant de faire le signe de la croix et de m'agenouiller quelques temps devant le Christ. L'endroit était magnifique et faisaient briller mes pupilles de milles feux. Je remontais la nef d'un pas lent avant de gravir les deux ou trois marches en marbre blanc qui me séparaient de l'autel. Plus d'une fois, lorsque je n'étais qu'une gamine, je m'étais amusée à m'imaginer dans une magnifique robe blanche, à cet endroit là, amoureuse comme jamais, prête à donner le reste de ma vie à un jeune homme fou de moi avant de fonder une famille modèle. Un sourire béat sur les lèvres, je marmonnais des paroles que je connaissais par coeur. J'avais écrit mes voeux de mariage à l'âge de neuf ans et je n'avais cessé de les répéter durant des années lorsque je m'amusée à jouer les mariée dans l'église de mon village natal. Une voix s’élevait à côté de moi, au creux de mon oreille. Prise de panique, je tournais la tête d'un geste vif pour y découvrir Clarence au bord de la crise de rire. Mes bras se croisaient sous ma poitrine avant que je ne le toise de la tête aux pieds. « Non, merci. Je n'ai pas envie de fantasmer sur un pseudo prêtre qui ne veux que se payer ma tête. » Je le bousculais légèrement, dévalant les escaliers avant de m'arrêter net et d'ajouter, sans me retourner: « Personne ne doit être au courant de ce que tu viens de voir. »

31 août ; &LENNON

Clarence n'avait en aucun cas voulu effrayer Lennon... Bon juste un peu. Il faut dire que derrière ses airs de grande gueule et de femme à hommes qu'elle aimait à exhiber, à chaque fois qu'il la rencontrait, il découvrait des facettes d'elle qu'elle se gardait bien de montrer aux autres. Près de la cascade en aventurière casse-cou qui attaquait avant d'avoir à le faire. Il se souvenait de sa gifle comme une des plus mémorables de sa vie alors qu'il avait simplement voulu lui montrer qu'elle se trimballait avec un genou ensanglanté. Il s'était donc retrouvé à la soigner, parce que lui avait l'intelligence d'emporter toujours pleins de choses quand il partait en expédition, juste au cas où. Elle s'était excusée d'autant de véhémence alors que ses intentions n'avaient été que attentionnées à son égard. Aujourd'hui voilà qu'il la trouvait dans un endroit pieu et dans un silence complet: ses attitudes n'étaient pas des plus innocentes et virginales ces derniers temps. Laissons donc la joie à Clay d'être agréablement surpris qu'il y avait tout de même quelque chose d'intéressant sous cette carapace de bimbo effrontée. Il avait préféré la carte de la moquerie, bien plus universelle que celui du mec qui avait découvert son secret. Oh il y a un petit cœur religieux sous ses seins bien trop souvent à l'air... Il ne tenait pas à se ramasser une nouvelle claque et surtout pas en un lieu aussi sacré. Comme il s'y attendit, Lennon prit mal la remarque, ou plutôt prit mal le fait d'être surprise en plein récital de ses écrits et rêveries de gamine. Il n'avait entendu que quelques bribes mais ça avait suffi à faire comprendre qu'il s'agissait de vœux de mariage, tandis qu'on imaginait pas Lennon s'inquiéter de sa petite fleur avant les noces. Elle le toisait, il la considérait avec amusement. Une lueur de triomphe brillait dans son regard. « Oh allez laisse-moi être le prêtre j'ai toujours voulu essayer leur robe ! » Elle le bouscula pour passer et lui tourna le dos pour partir. « Promis je me moque pas... trop. » S'écria-t-il un peu trop fort. Son dernier mot résonna entre ses murs de pierre comme un sacrilège et surpris, Clay posa sa main sur sa bouche. Oui ses manières étaient toujours approximatives mêmes dans les églises. Puis elle le menaça si toutefois cette épisode revenait aux oreilles de leurs colocataires. Levant les mains en signe d'innocence, il lui répondit en chuchotant presque: « Je me tairai. Il y a déjà quelques millions qui vont apercevoir ton côté petite fille mais gardons le secret pour la vingtaine de candidats, tu as raison... » Clay était d'humeur taquine et c'était tombé sur la mauvaise joueuse, que pouvait-il y faire réellement ?

Je ne savais pas comment je devais prendre la remarque de mon camarade. Il se moquait de moi, j'en étais certaine et je lui en voulais, mais je ne pouvais, pourtant, l'empêcher de venir se recueillir ici même ou bien jouer les curieux s'il n'était pas croyant. L'église était un lieu de rassemblement, un lieu d'asile et je ne pouvais pas le maudire uniquement parce qu'il avait osé mettre les pieds en cet endroit saint. Je lui répondais d'un ton sec qui m'était propre avant de tourner les talons pour dévaler les escaliers et remonter la nef. Je l'écoutais baragouiner qu'il avait toujours voulu essayer le vêtement religieux que portait les prêtres. Quel idiot. Je ne pouvais m'empêcher de remuer très légèrement la tête de droite à gauche tout en poussant un soupir d’exaspération. J'étais honteuse de mon comporter de la sorte dans un tel lieu, mais je n'allais pas me laisser marcher sur les pieds, me faire humilier, uniquement pour la gloire du Christ. Tel un couperet sa voix résonnait dans toute l'église, me stoppant net dans ma course. Il ne se moquerait pas ... trop. Je ne me tournais même pas, ne voulant pas tomber nez à nez avec ce païen. Il répondait à ma menace par une phrase qui me faisait mouche. J'en avais oublié les caméras et sans un mot je me tournais, réalisant que l'Amérique entière avait, très certainement, du se rincer l'oeil devant mes ébats avec Graham avant de me voir jouer les bonnes soeurs à l'intérieur d'une église. Je me tournais, planquant mes deux mains devant ma bouche en forme de cercle. J'étais dans de beaux draps si mes parents voyaient cela. J'étais certaine de pouvoir creuser ma propre tombe et dès maintenant. Je ne serais même pas surprise de voir mes géniteurs débarquer comme des fous en plein village pour me donner la correction la plus abominable que je puisse connaître. Sans un mot, je me laissais tomber sur l'un des bancs qui se trouvaient là alors que je baissais la tête. Je ne pouvais pas rester là sans répondant et après quelques secondes de réflexion voilà que j'ouvrais la bouche: « Oh et puis de toute façon, je n'en ai strictement rien à faire de ce que les autres peuvent penser, tu n'as cas le raconter partout comme ça on parlera encore plus de moi. » Ma voix résonnait comme pour m'accabler encore plus et je baissais les yeux vers mes doigts qui s'entortillaient les uns aux autres en signe de gêne, de timidité.

31 août ; &LENNON

Clarence n'était jamais foncièrement méchant, du moins pas quand la situation l'exigeait. Depuis qu'elle était entrée dans la maison, il était de notoriété publique que Lennon était d'une franchise à toute épreuve quand bien même ses paroles pouvaient blesser. Elle ne prenait pas le temps d'y mettre les formes et son visage délicat tranchait avec son manque de délicatesse orale. Il n'appréciait pas trop cet aspect de sa personnalité. Peut-être était-ce la fougue de la vingtaine mais lui aussi avant criait les vérités de chacun à qu ioulait l'entendre sans se préoccuper des répercussions. Aujourd'hui, il avait appris le tact et si ça ne l'empêchait pas d'être un garçon impulsif qui fonçait dans le tas si on le cherchait un peu trop, il n'en restait pas moins un homme plutôt médiateur en terme de dispute ou de désaccord. Il avait voulu se moquer gentiment de Lennon parce qu'il était vrai son comportement ne laissait pas penser à une telle piété. Si elle avait le culot de s'en défendre, Clay aurait vite fait de lui rappeler toutes ses frasques depuis son entrée dans la maison. Elle était la plus riche de la maison pour l'heure et si la moitié de sa cagnotte était due au départ de Tylan, personne n'oubliait que c'était une très bonne joueuse. Il ne s'opposa pas à garder le silence bien que les images devaient déjà être préparées pour la quotidienne du soir. On ne ratait pas un tel spectacle et lui-même se saluait d'avoir poussé cette porte intimidante. Lennon semblait réaliser peu à peu ses méprises, du moins son manque de discrétion. Sa remarque fut cinglante et orgueilleuse pour ne pas perdre la face mais quand elle s'installa sur un banc, penaude, il était évident qu'elle n'avait pas compris la répercussion de tous ses actes. S'avançant jusqu'à elle il appuya ses coudes sur la rangée de banc de devant pour l'observer. « Tu n'es pas obligée de faire tout ce boucan à chaque fois pour qu'on parle de toi Lennon. » C'était sincère. Parfois Clay avait l'impression que tout était exagéré pour le bon plaisir des caméras, si elle jouait le rôle c'était simplement le sien mais avec trop de manière, trop de voix. Passant quelques doigts distraits dans sa masse blonde, il poursuivit: « Moi spectateur, j'aurais trouvé ça plus intéressant d'entendre les vœux que tu as écrits à l'avance plutôt que d'assister à tes ébats. Après je dis ça je dis rien, je suis un mec, en fait, j'aurais aimé les deux. » Tentative de plaisanterie ? Oui, non ? Encore une gifle ?