Il faisait si chaud ! La sensation dégueulasse de la sueur sur tout mon corps m’était désagréable, me doucher était impératif. J’aurais bien tenté la piscine mais quitte à devoir me rincer à cause du chlore, autant le faire de suite ; et puis comme ça ça m’éviterait les gros boulets qui draguent leurs proies au bord de la piscine. Souvent les gens font des régimes avant de passer dans une télé-réalité, pour être beau et tout ça, mais je crois que les gens de cette villa avaient fait un régime sexuel quelques semaines avant d’entrer. Vu comment ils sont tous aussi chauds que la braise ça me parait logique. L’eau qui glissait sur mon corps me faisait le plus grand bien, en revanche la sortie fut moins agréable. Mes fringues précédentes ayant été jetées dans la corbeille de linge sale j’avais complètement zappé d’aller me chercher de quoi me mettre sur les fesses, bien sûr il me restait les sous-vêtements qui s’étaient révélés bien pratiques lors du chemin jusqu’à la salle de bain. Eh bien ils prouveront une fois de plus leur utilité pour aller jusqu’au dressing. Je trottinais comme une gamine et là, grosse surprise. La fille aux cheveux roses était en train de ranger les fringues qui trainaient partout. Après Lennon, elle. Robin. A la différence qu’elle, elle ne m’emmerde pas en m’accusant de fouiller dans les fringues des autres. J’aurais bien retourné la vanne à Robin mais il était évident qu’elle ne pigerait pas ; n’allons pas ouvrir les hostilités. Cependant elle venait de se stopper sur quelque chose qui était vers mon tas de fringues perso’ ; je ne me gênais pas pour l’interrompre dans sa contemplation. « Hey la bonasse aux cheveux roses si tu cherches des fringues sex’ t’es au bon endroit, mais je te déconseille le tas d’à côté c’est les gaines d’Arizona.» Je souriais, contente de ma vanne. Il m’était impossible de blairer cette fille, j’y suis pour rien. Cela dit, là, j’étais en sous-vêtements. Je me rapprochais de la copine de Batman et commençais à fouiner pour trouver de quoi me fringuer léger. Je redressais finalement la tête ; je me devais de lui faire la remarque. « Tu sais j’adooooore tes cheveux ! Ils sont trop sensass’ et puis c’est ROSE quoi ! J’admire le choix, il est trop good. Et en plus ça te va bien. Depuis quand je faisais des compliments moi ? Soit, c’était la vérité. Et puis les filles fades prenaient trop de place ici, alors quelqu'un d'excentrique n'était pas de refus.

Oui bon, à la baaase, j'étais censée rangée. A LA BASE. Mais la contemplation avait amplement pris le dessus sur ma volonté de mettre de l'ordre, et au passage, de trouver mes fringues. Mes fringues ? Des haillons à côté de ça. Je veux dire : tout ce sur quoi je tombais dans ce tas était de la marque plus plus plus plus. Et pour une fille dont le petit salaire de disquaire à mi-temps qui passait à moitié dans le loyer du loft et un tiers dans mes besoins primaires, ben y en avait plus beaucoup pour mon style et une paire de creepers c'était six mois d'économie. Donc là, j'étais un peu subjuguée. Celle à qui ça devait appartenir... devait avoir un peu beaucoup de tunes. Beaucoup beaucoup. Et du coup, j'en oubliais de ranger, entièrement happée par une sublime paires de Louboutins, semelles rouges à en baver par terre. J'aimais mes tuk, mais des Louboutins quoi ! J'aurais pu rester là des heures si une entrée tapageuse ne m'avait pas interrompue. C'était Nancy, la petite asiate que j'avais croisée sur le prime, toute mignonne et toute... en sous-vêtements. Hum. Et en compliments aussi : "bonnasse", "trop sensas'", "trop good", et j'en passe. Huh que du bonheur de sympathiser comme ça. Si on me prenait par les sentiments... "Wow, merci beaucoup, Nancy c'est ça ?" Je haussai les épaules un peu négligemment, en me tortillant une mèche. "Mouais, je sais pas, je pensais à changer de couleur justement. Genre un bigoûts, blanc-violet p'têtre, j'hésite. Ou sinon je peux rester comme ça, aussi." Ouais puisqu'apparemment ça plaisait de ouf. Espérons que je trouve une mission coloration pendant l'aventure, peut-être ? Ou une mission transformation, ce serait cool. Hum, c'était peut-être pas le problème du moment non ? Non, le problème c'était que j'avais trouvé un paquet de trucs réunissant le nec plus ultra de la marque et qu'il appartenait à... une colocataire en soutif. "C'est clair qu'elles sont cos-mi-ques tes fringues. Genre, les Louboutins j'crois que j'en avais jamais vu en vrai huhu." Oui bon pas très classe de l'avouer mais... c'était vrai. "D'ailleurs tu devrais p'têtre... passer un truc ?" Sur elle, j'voulais dire. Et pas moi. Une robe, quelque chose, bon, ç'allait peut-être faire baisser les audiences mais je préférais un peu quand même.

« C’est ça, Robin. » Avec le prénom et tout ça faisait un peu réplique de super-héros qui se la pète, mais en réalité c’était simplement pour lui prouver que moi aussi j’avais retenu son prénom. Et donc je me la pétais. Je prenais très au sérieux son problème capillaire, comme s’il s’agissait d’une grande décision. Mariage à l’église ou que la mairie ? Là, c’était la même. Je lui conseillais donc le rose, en justifiant que ça donnait un côté pin-up rebelle. Ok j’ai jamais vu de pin-up avec les cheveux d’une telle couleur, mais innover ne fait pas de mal parfois! Je fouinais pour trouver quoi me mettre lorsque la voix de l’androgyne rappela mon cerveau à m’intéresser à elle. Non pas que c’était une corvée, elle a l’air cool comme fille; qu'on se le dise. Mais là, limite j'étais choquée qu'elle n'ait jamais vu de goddes shoes. « Vraiment ? Bah maintenant c’est fait. T’habites où pour en avoir jamais vu ? J’veux dire y a pas de pétasses qui puent la thune qui passent près de chez toi des fois? Je marquais une pause réflexion, ce blanc gênant s’étant installé. Mais j’en suis pas une, hein. » Oui bon, on sait jamais. Si elle n’avait jamais vu de vraie chaussure à la semelle rouge ça voulait sûrement dire qu’elle fréquentait des quartiers pas très chics, pas très friqués, et dans ce cas c’était un peu gênant. Je n’avais pas envie de me la péter devant cette fille, elle dégageait quelque chose de beaucoup trop spontané ; c’était d’ailleurs très agréable. A moins qu’en réalité ce ne soit une peste finie. Soit, vanter le prix de mes fringues n’était pas d’actu, d’autant plus qu’à titre personnel je ne suis pas pétée de thune non plus et mon compte connait trop souvent le rouge. Bref, là je comprenais pas du tout de quoi elle parlait.« A qui ? Aux humanitaires ? Je galère déjà à gagner mon pain ce n’est pas pour me ruiner autre que dans les choses utiles. J’veux dire y a des gens plus riches qui peuvent s’en occuper, genre Angelina Jolie là ! Au lieu d’adopter un gosse pauvre elle ferait mieux d’aider la nation entière avec des dons ou quoi. Et en plus, elle, ses fringues c’est que des sponsors alors elle a de quoi faire dans la charité. Mais nan. Egoïste.» Ok, ok, c’est l’hôpital qui se fou de la charité. J’enfilais le top que je tenais dans l’une de mes mains puis marquais une seconde pause. Je suis un peu partie en hors sujet là non ? « Nan mais je pourrais les aider quand je serais sortie d’ici et que les sponsors frapperont à ma porte. T’es venue pour quoi toi ?» Bah oui, ça m’intéressait. Peut-être qu’elle était venue pour avoir les moyens de se payer sa nouvelle couleur grâce au pactole de victoire. Avec tout ce fric elle pourrait même bâtir son propre salon de coiffure.

Bon. Ce serait le rose alors. "Pin-up rebelle", d'accord, là, la miss m'avait chopée par les sentiments ! La comparaison était absolument flatteuse, je ne pouvais pas y résister ! Je remerciai chaleureusement la demoiselle de son avis, ma foi, plein de sagesse. Puis elle eu une remarque bizarre. Genre que c'était pas normal de voir des chaussures à la Gossip Girl que... dans Gossip Girl. En plus je regardais même pas Gossip Girl ! Elle me demanda où est-ce que j'habitais, genre un "mais dans quel bled paumé bordel ?!" tout à fait choqué. "Euh, dans la banlieue d'Atlantic City, dans le New Jersey, c'est pas..." C'était pas quoi ? Très chic ? Du genre à voir des "pétasses qui puent la tune" dans les rues ? "Ou peut-être que je suis pas toujours les yeux rivées sur les pompes des gens ? Ouais, c'probable en fait." Oui voilà ça devait être ça, certainement. Nancy précisa qu'elle n'était elle-même pas une peach pétée de fric - elle avait des super fringues quand même, hein, et puis je lui demandais pas de se justifier ! C'était pas un crime, c'était même plutôt cool. Puis... En fait, la conversation commença à déraper sur ma dernière phrase, mal interprétée. Et quand Nancy embraye... on l'arrête pas ! J'essayai plusieurs fois, sans succès. Mais son laïus était plutôt drôle et je finis par me résoudre à l'écouter en entier, souriant de temps à autre - Angelina Jolie prenait cher. Quand elle marqua enfin une pose, je répondis, souriante et totalement neutre : "Non mais, je voulais dire... "passer quelque chose"... genre t'habiller quoi." Avant d'éclater d'un éclat de rire court mais intense. "Sinon, hum, je suis là pour le jeu surtout. M'amuser tout ça tout ça. Un peu de fuuuuuuun quoi." Ouais, il faut rigoler dans la vie, et ç'avait été ze occasion en gold de l'année. Mais très vite, mon esprit revint au tas de fringues incroyables de Nancy. Un peu sans réfléchir, j'y revins, et commençai à fouiller à l'intérieur. Je crois que j'avais vraiment envie de voir tout ce qu'une fille "pas bourrée de tunes" avait dans son "tas de fringues sexs". "Tu permets que je regarde un peu ?" Voire que... j'essaye peut-être. Nooooon résiste à la tentation petite rosine, ça suffit maintenaaaant !