Ft. Robin


Je n'avais pas envie de sortir. Je n'avais pas envie de profiter du soleil. Je n'avais pas envie de voir les gueules enfarinées de certaines personnes. La pression qui pesait sur mes épaules depuis le début du jeu était si intense que je ne savais plus comment faire pour l'oublier quelques instants, pour me relaxer. La pièce était sombre pour ne pas dire complètement dans le noir. Depuis combien de temps étais-je là ? Je n'en avais aucune idée. Deux bonnes grosses heures, voire peut-être même trois ou quatre. Assise dans le fond de la pièce, sur le sol, en boule, mes bras encerclant mes jambes, mon menton sur mes genoux, un bon vieux rock dans les écouteurs, j'essayais comme je le pouvais de faire le vide dans ma tête, dans mon esprit. Je fermais les yeux, cherchant à m'éloigner le plus possible de cet endroit avant même que la lumière ne vienne faire son apparition dans la chambre de la paresse. N'ayant pas envie de bouger, je serrais mes jambes un petit peu plus contre mon buste , enfonçant ma tête dans mes épaules, histoire de me faire encore plus petite pour qu'on ne remarque pas ma présence.

Et voilà, une deuxième journée d'achevée dans cette téléréalité. Quoi que l'aspect "réalité" s'effaçait clairement ici. Les gens étaient un peu dingues... Hum attendez, on reprend : les gens étaient complètement dingues, oui ! Moi ça m'allait bien, tranquille, je pouvais me taper des petits délires et tout le monde avait l'air d'apprécier ma teinture. Tu m'étonnes, j'ai la classe. Donc pour résumer, pour l'instant, ça se passait bien, même si je ne connaissais pas encore tout le monde par cœur. Et j'avais un petit coup de mou là maintenant, un bon sudoku me détendrait bien. Parce que oui j'aime bien les sudokus, figurez-vous. J'entrai donc dans ma chambre, celle de la paresse (qui au passage ne me correspond pas, roh). Surprise. La chambre est plongée dans le noir complet, rideaux tirés etc. Intriguée, j'allumai la lumière. Il y avait une fille recroquevillée au fond de la chambre, près de mon lit en fait. Je m'approchai doucement, déjà désolée d'avoir allumé la lumière. "Salut euh... ça va pas ?" demandai-je doucement. Ah, mais elle avait les écouteurs dans les oreilles - et puis de toute façon, ça n'allait pas, visiblement. Mais je m'y connaissais en musique, alors si ça pouvait lui faire penser à autre chose que ce qui la mettait dans cet état, pourquoi pas. "T'écoutes quoi ? Si tu veux j'ai pleins de chansons qui mettent la patate dans mon mp4." Oui "qui mettent la patate", j'ai vraiment dit ça... En espérant qu'elle ne virerait pas tout de suite, je m'assis à côté d'elle. Après tout, peut-être que la présence de quelqu'un de nouveau allait l'aider à sortir de sa caverne.

Rien à faire, la poupée aux cheveux roses venait de me repérer. Je n'osais pas poser mes yeux sur elle. J’espérais encore me cacher. A près tout, peut-être qu'elle ne parlait à pas moi et que Leander ou Felix se trouvait caché derrière moi et dans la même position que moi. Rien qu'en y penser, c'était limite flippant. Je tournais la tête. Personne. Elle parlait bien à moi. Mes écouteurs me sauvaient de toutes explications des plus loufoques. Je n'avais pas envie d'étaler mes coups de blues à toute la villa, à tous les Etats-Unis. Elle baragouinait des mots que je n'entendais pas, que je ne comprenais pas avant de s'installer à mes côtés. Mon père allait me tuer s'il me voyait manquer de respect à cette jeune femme ainsi je retirais mes écouteurs, lui adressant un bref sourire amical. « Excuse moi, tu disais ? » Oui, bon ce n'était guère mieux, mais au moins je ne la snobais pas comme une vieille perruche sans plumes.

Bon, elle ne m'avait apparemment pas entendue. Tant mieux puisque j'avais majoritairement dis des trucs totalement pourris, donc, heureusement, on pouvait reprendre depuis le début. Sauf que... sérieux, je ne savais pas vraiment quoi dire. C'était évident qu'elle n'était pas bien, inutile voire déplacé de lui demander. Puis en fait, les chansons joyeuses, c'était con. J'avais pas d'idée, bordel ! Puis je pensai à mon film préféré, Little Miss Sunshine. Et une seule chose me vint à l'esprit : je fis un câlin de profil à la demoiselle. Ce qui faisait un peu "le pouvoir des bisounours" mais... parfois, ça fonctionnait. Je restai dans cette position quelques secondes assez longues, avant de finalement la libérer pour m'écarter légèrement. J'espérais sincèrement ne pas avoir fait totalement n'importe quoi. "Si tu veux que je te laisse, je comprendrai, t'en fais pas." Je lui adressai un sourire que je voulais bienveillant. Fallait bien que quelqu'un soit gentil dans ce bidule.