Mardi matin. Deux journées entières passées ici. Finalement, je suis pessimiste. J’ai cru que je n’allais jamais survivre ici. Trop de gens, vous saisissez. C’est effrayant, ça, d’un coup. Mais en fait, ça va. Enfin. Quand ils n’arrivent pas tous en troupeau, c’est nickel. Enfin. Tout va bien, c’est ce que je me répète, vous voyez. Enfin, tout va bien. Hélas, non. J’ai faim. Genre, vraiment faim. Genre, j’ai l’impression de ne pas avoir mangé depuis trois ans. Vous voyez. Donc. Comme je ne suis pas totalement stupide (quoi que, je vous l’accorde, parfois, vous pouvez vous poser la question) je file dans la cuisine. Ce qui me semble être le lieu adapté pour ça, vous voyez. Et puis, Dieu semble être avec moi, aujourd’hui. Enfin Dieu. Je ne suis pas croyante. Mais vous voyez. Un type. Candidat, j’ose l’espérer. Dans la cuisine. En train de faire quelque chose. De la cuisine. En toute logique. Sauf s’il préfère jouer aux dominos sur le plan de travail. Après tout, je ne juge pas. « Je t’éclate un paquet de farine par la tronche, plus deux œufs, si tu refuses de me faire à manger. » La menace. Meilleure arme. Quoi que. C’est un inconnu. Il peut se vexer. Hm. J’aurai du réfléchir. « Enfin. Je t’éclate pas vraiment un paquet de farine. Ce serait visqueux, et faudrait faire le ménage après, c’est pas une bonne idée. Faites l’amour, pas la guerre, qu’ils disent. On fait l’amour ? »

AHAHAHAHAHA no. J'veux diire genre dans le placard y'avait des plats tous faits, je dis juste... NAN. Vous ne connaissez point le talent culinaire de Sileas, vous, gueux qui se contentent des fasts-foods ! Ben oui, moi à force de bouffer H24, j'avais appris à cuisiner. C'était d'ailleurs un des seuls trucs où j'étais plus doué que mon frère, et ça me donnait un peu plus confiance en moi. C'était déjà ça. Bref, je me suis fait un sandwich. Mais pas de la gnognotte hein c'était le truc trop bien fait itou itou, faut pas croire, c’est de l'art les sandwich des fois. bref j'étais en train de le déguster.. Hum bouffer comme un gros porc (c’est pas parce qu'on cuisine qu'on est raffiné tavu) quand une voix de meuf me fit sursauter. « Je t’éclate un paquet de farine par la tronche, plus deux œufs, si tu refuses de me faire à manger. » AAAAH on fait pas peur aux gens comme ça c'est pas la fête ! Je me retournai, un bout de jambon dépassant dm'a bouche (la classe toujours). En plus on me menace. Bon je parle pas la bouche pleine mais j'ai haussé un sourcil, étonné. « Enfin. Je t’éclate pas vraiment un paquet de farine. Ce serait visqueux, et faudrait faire le ménage après, c’est pas une bonne idée. Faites l’amour, pas la guerre, qu’ils disent. On fait l’amour ? » qu'elle a ajouté. J'ai avalé mon sandwich de travers, m'étouffant limite avec AAAAAH J'ALLAIS MOURIR AU SECOURS JE SUIS TROP JEUNE POUR ah non c’est bon c'est passé. J'ai quand même réussi à articuler : « Pa... pardon ? » Oui c'était pathétique, je sais.

Le type là, le candidat, y’a plus charmant, en fait. Il faudrait lui prévenir que le style « je suis en train de manger comme un gros porc, et j’en mets tellement dans ma bouche que ça dépasse », c’est pas sexy du tout. Mais bon. Evidemment, ce n’est pas donné à tout le monde d’être élégant dans toutes les situations. Je crois que j’en suis hélas la preuve vivante. Soit. Monsieur s’étouffe. Ce serait dommage qu’il décède, là, tout de suite, en fait, parce que je me sentirais coupable, vous comprenez. Et je suis sûre que ça me traumatiserait, d’avoir causé la mort d’un garçon, comme ça, paf. Donc, il convient à tout le monde que ce candidat doit vivre, envers et contre tout. Il parle (donc, il survivra, tant mieux). Je me capte. Désolée, j’ai un esprit lent lorsque je n’ai rien avalé. Je lui ai dit « on fait l’amour » forcément. Tourner la langue sept fois dans ma bouche avant de parler. Faut vraiment que j’y pense. Quoi que, vous imaginez, si on le faisait vraiment. On prendra du temps avant chaque réponse. Aussi ennuyeux que les téléfilms du dimanche après-midi. « J’ai vraiment dit ça ? Oh mon dieu. Je suis tellement anxieuse que les mots sortent tous seuls, et c’est plutôt nul, parce que ça me rend encore plus nerveuse, vu ce que je peux dire parfois, c’est horrible hein ! Y’a qu’à voir, j’ai failli te tuer, t’imagines, tu serais mort, pour de vrai ! » je m’enfonce, je m’enfonce, je m’enfonce.

Aaaah mais j'étais qu'un gros porc ma parole. Une fille me cause, en plus une rousse trop belle... Bon un peu beaucoup chelou certes mais trop belle, et moi j'fais quoi JE M'ETOUFFE AVEC MON SANDWICH. Y'a des moments comme ça ou tu te dis "restes où tu es morceau de jambon et tue moiiiii tuuuuuuuuuuue mooooooooooooooooooi !" Ouais ou pas je suis trop jeune pour mourir wesh. J'ai des trucs à faire avant de crever. GENRE.... Genre finir MW3. (j'aurais bien dit perdre ma virginité mais c’est déjà fait SI SI JE VOUS JURE MÊME MOI J'Y AI PAS CRU SUR LE COUP. Bref ma gueule) On parlait de quoi déjà ? Ah oui la rouquine qui avait failli me tuer avec ses propositions là. Non mais moi j'dis pas non elle est jolie et tout mais genre j'connais même pas son nom c'pas la fête de la saucisse là ho. Je baise pas avec tout l'monde comme ça hop c’est fini c'est plié rentre chez toi moi ! « J’ai vraiment dit ça ? Oh mon dieu. Je suis tellement anxieuse que les mots sortent tous seuls, et c’est plutôt nul, parce que ça me rend encore plus nerveuse, vu ce que je peux dire parfois, c’est horrible hein ! Y’a qu’à voir, j’ai failli te tuer, t’imagines, tu serais mort, pour de vrai ! » J'ai haussé un sourcil, ouah le débit de paroles qu'elle avait pas celle là... Elles étaient toutes comme ça ici ou bien ? Non pas que ça me gène mais voilà quoi. Pipelette bonsoir. « J'te rends nerveuse ? » étonné j'étais. ben oui d'habitude c'est MOI que les gens rendent nerveux. Quand on me voit on est pas nerveux on est juste... J'suis pas trop comment dire, peut être que "aveugle" est le mot qui convient vu que je passe souvent inaperçu.

Et paf, je passe pour la nerveuse et tout, la quiche puissance mille. Azy. Je vais pas faire long feu ici, je suis sûre. Je dois déjà avoir une étiquette collée par la tronche. Et pas avec de la colle qui colle pas, si vous voyez c’que je veux dire, j’imagine bien le gros pot de professionnel là. Enfin bref. « Ouais. Non. Enfin, c’est pas toi. C’est que je te connais pas, tu vois. Et j’aime pas les inconnus. Enfin, c’est pas que je t’aime pas hein. Je suis pas à l’aise avec les gens que je connais pas. » Genre, ça s’est pas capté. Le problème, en fait, ici, c’est qu’il faut être aimé pour rester vous voyez ? Que ce soit par les autres candidats ou le public. Et ça, se faire aimer, je sais pas faire. Je sais pas, j’ai pas ça dans mes gênes, haha. On m’a jamais appris. Alors forcément. Ça me rend encore plus nerveuse, la pression du « faut que les gens me kiffent » comprenez. Enfin. Ca ira mieux genre, dans quelques jours. Ou quelques semaines. Quand je connaitrais au moins le prénom des candidats, vous voyez, ils me sembleront tout de suite moins « inconnus » et puis, voilà. « Sinon, il est à quoi, ton sandwich ? » la phrase la plus pourrie du monde, je crois, en fait. Genre, aucun charme ni rien, et c’est même pas marrant, vous comprenez. Hm. Je suis nulle en contact humain, je crois.