La semaine était très calme et puis, cette semaine j’étais immunisé par Graham qui avait décidé de faire un geste en ma faveur malgré sa haine pour conserver son indice. Une chance pour moi au moment où tout le monde prenait peur, nous étions à une semaine de la demi-finale, j’étais déjà assuré d’avoir ma place pour ce qui serait un grand pas dans l’émission, la semaine prochaine soit ça passait soit ça cassait mais il n’y avait aucun échappatoire et nous le savions tous. Bizarrement la longueur du début d’aventure n’existait plus à présent, nous avions seulement envie de poursuivre encore quelques semaines, d’autres avaient hâte de prendre la porte avec le gros chèque bien sûr, ce n’était clairement pas mon cas. Si certains étaient attendus à la sortie je n’étais pas parmi eux, ma grand-mère bien sûr mais je savais déjà qu’elle allait me faire une leçon de morale pour ne pas lui avoir dit que j’étais un clochard jusqu’au début du jeu, la seule chose que j’espérais c’est que ma mère ne reviendrait pas vers moi, l’envie de lui cracher au visage aurait été très forte puisqu’elle m’avait lâchement mis à la porte il y a bientôt un an de cela. Non, j’étais encore bien trop aigri de cette histoire. Passons, aujourd’hui j’affichais clairement une envie de faire le con, j’avais mes petits moments chaque jour où je me devais d’être comme ça, sans plus attendre je me ruais donc sur la chaine Hi-Fi, il était peut-être une heure du matin mais qu’est-ce que j’en avais à faire ? Si tous les autres avaient envie d’être des vieux en dormant tôt tant mieux mais ce n’était pas mon cas, la musique à fond je commençais à me défouler sans même penser que quelqu’un me regardait. Raté.

Il fallait croire que plus la fin de l'histoire approchait, plus les âmes étaient fatigués. Les grosses soirées collectives qui duraient jusqu'au petit matin n'étaient plus. Désormais, on préférait discuter, boire un peu, danser quelques heures puis se coucher pour mieux affronter les épreuves du lendemain. De plus, beaucoup de personnes appréciées avaient quitté le jeu et le manque se faisait ressentir chez certains. Clarence avait fini par suivre le mouvement. En fait il n'avait pas du tout sommeil mais à quoi ça servait de rester debout tout seul pour regarder le plafond et attendre les heures qui défilent. Esteban continuait de ronfler à côté de lui et c'est difficilement qu'il parvint à s'endormir. A peine avait-il réussi à fermer les yeux et se sentir plongé dans des songes reposant qu'un boum boum entêtant traversait les murs. Mais qui pouvait bien faire la fête à cette heure-ci alors que tout le monde avait rejoint sa dépendance ? Clay se leva avec précaution pour ne pas réveiller ses camarades puis entra silencieusement dans le salon pour voir qui était l'auteur de ce tapage. Esteban avait même grogné avant de se rendormir c'est pour dire ! C'était Caleb qui, tout guilleret, s'offrait une soirée boite de nuit dans la villa. Après tout il n'avait pas tort, la pièce était si grande qu'elle pouvait presque accueillir 100 personnes sans problème. Il l'observa pendant quelques instants, d'un air amusé. Il avait fait des émules déjà la semaine passée et il semblait déterminer à faire parler de lui sur ses talents de danseur maintenant. Clay était décidé à lui faire payer son affront c'est pourquoi sans crier gare, il fonça pied nus jusqu'à Caleb puis l'attrapa par la taille pour lui faire un plaquage digne de ce nom. Le blondinet atterrit sur le canapé -il ne tenait pas à faire une victime dans la maison parce qu'il n'était pas délicat. Puis d'un air menaçant, il clama à son attention: « Stoppe cette musique de manant, des gens dorment ! »

Je n’avais jamais été un spécialiste des boites de nuit, du moins pas avant d’avoir mis les pieds au lycée. Auparavant je réussissais parfois à rejoindre une certaine discothèque réputée de Las Vegas parce que la fille du gérant était dans ma classe et également ma meilleure amie. Seulement, lorsque nous étions tous les deux arrivés au lycée c’est là que nous avions compris le réel intérêt des soirées. Depuis j’y allais régulièrement mais le fait d’avoir été mis à la porte de chez moi m’avait empêché de poursuivre cette activité qui me détendait. Même si je n’avais pas le même pas de deux qu’un certain Jean Marc Genereux ou je ne sais quel autre danseur dans les clips américains je me débrouillais pas trop mal et puis, la danse était avant tout un plaisir pour moi et rien de plus. La chanson qui débutait était l’une de mes préférées en ce moment, une chanson entrainante mais surtout hilarante, j’avais pu voir le clip dans un café et je ne m’en étais toujours pas remis. Le Gangnam Style. J’allais commencer à danser comme le faisait le mec lorsque quelqu’un opéra un placage dans les règles de l’art sur ma pauvre petite personne, malgré ma carrure imposant je trébuchais rapidement pour m’écraser comme une chose fragile sur le canapé, je levais la tête prêt à m’énerver mais c’était Clarence et je n’avais pas envie de chercher la merde. De toute manière j’étais ici pour m’amuser alors autant faire une tentative pour que les autres s’amusent avec moi. « Stoppe cette musique de manant, des gens dorment ! » Je souriais amusé lui répondant du tac au tac. « Désolé, j’ai oublié que nous étions dans l’émission The Dinosaures Game… Le thé dansant est terminé ? » Il n’y avait rien à prendre méchamment dans ce que je disais, je le taquinais juste parce qu’il devait être avec ma petite Sahara le plus ancien des candidats au niveau de l’âge. « Oopa Gangnam Style. » Je ne sais pas ce que j’avais ce soir mais j’étais vraiment motivé pour faire le con, je me relevais commençant la petite chorégraphie du clip avec un air totalement idiot qui me rendait à mourir de rire.

Clarence ne se vengeait pas parce qu'il n'avait pas pu s'endormir très tôt mais il avait plutôt envie de l'embêter. Il avait déjà passé quelques moments en compagnie de Caleb notamment lors d'essayages pour les premiers primes. C'était un mec plutôt sympathique et très décomplexé quant à sa sexualité et sa personnalité. A son âge, il avait été un peu pareil quoique terriblement frustré par ses ambitions qui ne rejoignaient pas celles de ses parents riches à la réussite professionnelle sans équivoque. C'était à l'approche de sa trentaine que Clay se sentait le mieux dans sa peau et il n'osait imaginer Caleb à 30 ans: peut-être un peu moins pile électrique mais il se retrouvait parfois dans ses frasques juvéniles. N'aurait-il pas été capable de faire comme lui et de mettre la musique à fond rien que pour avoir le plaisir de danser quand même et d'embêter les autres par la même occasion ? Mais il décida que jouer le rôle du rabat-joie était un défi de taille et sans manifester sa présence, il fonça sur lui pour le plaquer sur le canapé. Surpris, son colocataire répliqua aussitôt. Tout en continuant de l'écraser pour le bloquer de tout mouvement, Clay haussa les épaules: « Il a terminé il y a des heures déjà. 20 heures, je crois que c'était le maximum dont ils étaient capables. » Il lui sourit de manière complice avant qu'il ne fasse enfin attention à la musique qui se jouait en ce moment. Cette chanson était tout simplement complètement tarée et même en décryptant le clip, il ne parvenait toujours pas à déterminer quelle drogue le chanteur avait consommé avant de tourner cette vidéo. Caleb le narguait en récitant les paroles et après l'avoir toisé quelques secondes, Clay se redressa soudainement. Les mains en l'air il se mit alors à se déhancher d'une manière totalement stupide à côté du blond qui suivit son mouvement. Les mèches blonds du garde-chasse s'agitait dans tous les sens, lui donnant presque un air efféminé malgré les muscles qu'il se trainait. « Oop, oop,oop, oopa Gangnam style. » Son visage était toujours sérieux et lui-même avait du mal à croire qu'il connaissait les paroles. En général ça n'était pas vraiment son style de musique. Espérons que les caméras ne filmaient pas...

Ma jeunesse avait en quelque sorte été mise en standby pendant quelques mois, ceux où j’avais été dans l’obligation de subvenir à mes besoins principaux, ceux qui me maintenaient en vie au milieu des clochards qui mouraient tous de faim, de froid ou simplement des maladies qu’ils avaient fini par contracter dans de telles conditions avec le manque d’hygiène. Autant vous dire que le jeune adulte de vingt ans que j’étais avait très vite dû se faire à l’idée que le monde n’était pas aussi joli qu’il n’avait pu le croire. Très peu de candidats savaient pour ma situation, Sahara était peut-être même la seule à qui je l’avais dit et ce n’était pas plus mal, le fait de savoir que les autres auraient pu avoir pitié pour moi ne m’intéressait pas. Tout ça pour dire que depuis que j’avais démarré cette aventure j’avais retrouvé mon grain de folie, ce qui faisait que j’étais populaire au lycée et pendant l’ensemble de ma scolarité. Ce soir encore je n’étais pas décidé à aller dormir alors que tout le monde avait déjà trouvé le chemin de sa chambre, non, il était hors de question que j’en fasse autant alors que nous étions à deux semaines de la fin d’une aventure qui aurait changé ma vie à tout jamais. La musique à fond je me défoulais, bon honnêtement me mettre à danser tout seul n’avait rien de très intéressant mais je n’avais aucun camarade qui aurait pu me servir de partenaire. Clarence arrivait au bon moment et après m’avoir surpris en un placage qui m’avait fait perdre l’équilibre je comprenais qu’il était d’humeur joueuse lui aussi. Bien, les dinosaures comme j’appelais la plupart des candidats n’étaient donc pas tous des vieux chiants ? « Il a terminé il y a des heures déjà. 20 heures, je crois que c'était le maximum dont ils étaient capables. » Je souriais amusé restant allongé contre le canapé puisqu’il était encore sur moi, si j’avais été quelqu’un de pervers avec une pathologie mentale j’aurais pensé qu’il voulait me violer mais par chance je n’étais pas un obsédé, je n’y pensais même pas. « Oh je vois, la dernière fois ils ont fini aux alentours des vingt et une heures je pensais qu’ils pourraient encore aller plus loin mais non… Surement qu’ils avaient trop fait de mots croisés dans la journée. » Je riais le repoussant pour m’amuser devant lui en dansant à la perfection le gangnam style chantant parfois les paroles en yaourt ne connaissant pas les paroles par cœur surtout que c’était en coréen à part le refrain. « Oop, oop,oop, oopa Gangnam style. » Je riais à gorge déployée, je n’aurais pas cru qu’il connaissait cette chanson mais le voir danser comme le faisait Psy avec cet air sérieux ne pouvait pas me laisser insensible, j’étais à la limite de me faire pipi dessus me pliant en deux tellement je rigolais. « HEYYYY SEXY LADYYY OOOP OOP OOP »

Outre son irrépressible envie d'empêcher les autres de dormir sitôt que celui-ci semblait frappé d'insomnie, Clarence appréciait Caleb. Ce gosse survitaminé était la représentation même d'une jeunesse qui a besoin de s'échapper du monde lourd d'événements et de dilemmes qui l'entourent. Il était parfaitement lucide: c'était bien moins compliqué d'avoir 20 ans presque 10 ans en arrière. Aujourd'hui la société avait fait tant de progrès, elle réclamait tant de la population que Clay n'était franchement pas étonné de voir des jeunes boire à outrance et préférer la fête à la pression scolaire histoire d'avoir un avenir assuré. Il ne connaissait ni l'histoire de Caleb, ni ses motivations quant à être ici mais il le percevait comme n'importe quel habitant ici: quelqu'un de fêtard peut-être un peu trop, de sans gêne parfois pas assez et surtout de beaucoup de naturel peu importe ce que les téléspectateurs pouvaient penser de son comportement parfois limite. Ses frasques sexuelles avec le couple phare de l'émission n'avaient pas passé inaperçues, ni la droite qu'il s'était mangé durant le prime d'ailleurs. Même si la curiosité démangeait Clarence, il n'aborderait pas le sujet de lui-même. L'heure était à la rigolade et à la détente maintenant qu'il était franchement réveillé. Ils rigolèrent tous les deux sur la nouvelle fâcheuse tendance des habitants à se coucher tôt. Ils avaient beau passer pour de beaux flemmards qui coulaient de beaux jours à Rollington, se méfier de tout le monde et monter des stratégies était bien plus épuisant qu'on ne pouvait le croire. Clay lui regorgeait d'énergie à partir du jour où il avait décidé d'arrêter de se prendre la tête avec ces loups bien trop intelligents pour se faire remarquer. Peut-être même était-il en train de danser devant l'un d'eux ! Déchainé, il s'essayait à une chorégraphie improvisée qui avait tout du burlesque plutôt que du talent. Il entendait les rires de Caleb mais qu'importe. « Hey sexy lady ! » S'écria-t-il en même temps que le blond, entourant sa nuque de son bras musclé pour sautiller légèrement. Il aurait bien pu continuer des heures à se dandiner comme ça mais la musique s'arrêta bientôt pour laisser placer à une autre. C'était la musique de Birdy qui, même si Clay n'était pas féru de ce genre de chansons, passait en boucle sur les radios américaines. L'air soudain mélancolique, Clarence serra brutalement Caleb dans ses bras avant de faire de petits pas comme sur un slow basique. « N'en profite pas pour pleurer sur mon épaule. »

Clarence, malgré le fait que depuis le début de l’aventure nous n’avions pas eu l’occasion de faire plus connaissance que ça restait un candidat que j’appréciais énormément, il n’avait jamais fait beaucoup de bruit inutilement, entendez par là qu’il n’était pas là pour faire le show comme l’avaient fait certains et c’est ce qui me plaisait. Je n’hésiterais clairement pas à le revoir à la sortie s’il était également partant, je pense que je pouvais découvrir pas mal de choses de lui et j’aimais cette idée. M’enrichir au contact des autres me paraissait essentiel depuis toujours, c’est comme ça qu’on gagnait en maturité après tout. Ce soir j’étais nourri par une envie de faire la fête, après tout depuis le début de l’aventure la folie des premières semaines avait laissée place à une sorte de quotidien et je m’ennuyais de cette manière. Je n’avais jamais été doué pour ce genre de choses, être calme faire les choses tranquillement et rester des journées à ne rien faire. Non, moi j’éprouvais clairement le besoin de bouger, faire du sport, plaisanter et remplir ma jauge d’adrénaline, avant d’être mis à la porte et de devenir clochard j’avais par exemple fait du parapente, du saut à l’élastique et même de l’escalade. Passons, à défaut de pouvoir faire un truc un peu dangereux j’étais attiré par l’idée de foutre un peu le bordel dans la maison en réveillant tout le monde, ça avait peut-être été le cas pour Clarence qui m’avait fait un placage dans les règles de l’art comme aurait pu le faire un rugbyman. Je souriais amusé et explosait de rire alors qu’il m’accompagnait dans mon délire sur le gangnam style, nous dansions tous les deux et j’en oubliais presque qu’il y avait des caméras et des mecs de la production qui ne devaient pas en rater une miette. Tant pis, ça ferait peut-être de l’audience et nous finirions tous les deux dans les bêtisiers de noël chaque année. « Hey sexy lady ! » Il m’entourait de son bras musclé et j’arrêtais mes pas type gangnamiens pour juste sauter en chantant sur cette chanson au succès improbable à la base. Je lui mettais un coup de cul en gloussant alors que la chanson arrivait à sa fin pour laisser place à une chanson de Birdy, le genre qui cassait l’ambiance à une soirée. Clarence me prenait dans ses bras, je gloussais un moment avant d’en faire autant dansant comme pour un slow. Nous avions encore moins l’air fin là. « N'en profite pas pour pleurer sur mon épaule. » Je souriais amusé simulant des sanglots. « Désolé ça a été plus fort que moi. »