& SARAH.
Le principal plaisir que Rollington avait fait renaître chez Clarence, c'était le surf. Quand on habitait toute l'année durant dans le parc de Yellowstone, autant dire que le temps manquait pour tâter de la vague tout autant que la vague elle-même était absente dans les alentours. Il ne saurait dire depuis combien de temps il n'était pas remonté sur une planche mais il avait l'impression que c'était hier. Il n'avait rien perdu de ses capacités et de son talent, quand bien même il fallait déplorer quelques chutes lors des premiers essais. Clay s'était promis d'y revenir plusieurs fois par semaine et pour l'instant il tenait plutôt bien sa promesse. Le mieux c'était d'en profiter quand la plage était déserte et en fin d'après-midi lorsque le soleil commençait à faiblir dans le ciel. C'était son petit côté surfeur romantique, il adorait la lueur de l'astre couchant sur les vagues, c'était inégalable. Après avoir arpenté une vague plutôt coriace sur laquelle il avait vacillé quelques instants avant de reprendre son équilibre, le trentenaire décida de s'accorder un temps de pause. Ce sport le fatiguait physiquement parlant mais était si curative pour son bien-être mental ! Allongé sur la planche, les mains dans l'eau, il se dirigea vers le rivage jusqu'à ce qu'il n'ait pied. Là il descendit puis la saisissant sous le bras, il sortit de l'eau. Sa peau était rougie à quelques endroits à cause de la fraicheur de l'eau, son nez gouttait, ses mèches blondes aussi mais il s'en moquait. Il marcha sur le sable qui se collait immédiatement à ses pieds puis il leva ses yeux clairs où il aperçut Sarah. Elle avait autant horreur du surf qu'elle avait apprécié le regarder autrefois. En fait, il avait aimé faire tout pour l'impressionner autrefois. S'approchant d'elle, il haussa les épaules avant de dire comme pour se justifier: « On reprend les bonnes habitudes... »

Autrefois Clarence avait faire quelques compétitions de surf mais n'avait jamais cherché plus loin que le simple plaisir de braver les vagues. Il avait été seulement le champion de son état, adolescent et si ces parents ambitionnaient de le voir champion mondial ou grand sportif reconnu, le garçon avait toujours pris soin à ce que ça ne reste qu'une passion. Il avait toujours souhaité servir les autres peu importe le salaire que ça pouvait bien apporter. C'était bien pour cette raison qu'il profitait d'autant plus du surf à Rollington. Il se sentait libre, personne ne pouvait lui dicter sa conduite ou bien le juger sur ses intérêts, il n'y avait que la nature et lui encore une fois. Mais malgré tout, il s'était résolu à sortir de l'eau car la température commençait à baisser de manière significative. Il ne tenait pas à rester cloué au lit comme Justin à s'inquiéter nuit et jour de savoir s'il passerait ses derniers jours dans la villa en tête à tête avec son oreiller. Sur le chemin du retour, il avait rencontré Sarah. Il ignorait la raison de sa présence ici d'autant plus qu'elle détestait les sports aquatiques aux dernières nouvelles, voir le sport tout court. Alors qu'il clamait fièrement qu'il pouvait enfin reprendre des habitudes qu'il lui avait manqué, elle s'inquiéta plutôt de son état. Ca va, Clay n'était pas vraiment le genre en sucre. « C'est certainement la dernière chose qui m'inquiète ici. » Dit-il, le sourire aux lèvres. Son cœur battait la chamade sous l'effort mais aussi parce qu'il se sentait vivant. Sarah lui recommandait de se sécher et il la toisa, intrigué. Plantant sa planche dans le sable, il s'appuya sur celle-ci. « Puis-je savoir pourquoi mademoiselle ? Je me sens très bien comme ça ! » Cette vue la gênait-elle ? Il sortait pourtant tout juste d'une baignade comme tous les hommes de la villa. Même si les tensions semblaient s'être apaisées, Clarence ne parvenait toujours pas à cerner ce que pouvait bien penser Sarah.

C'était étrange d'entendre Sarah qui faisait de nouveau attention à lui. Pendant presque toute l'aventure, ils n'avaient subi que des tensions et des disputes. Aujourd'hui c'était d'autant plus incongru de se retrouver face à elle et de ne pas s'entendre dire des mauvaises choses sous l'effet de la colère. Elle lui avait avoué des choses, Clay ne l'avait pas fait mais elle semblait avoir compris ce qu'il en retournait de son côté. Sarah laissait sous-entendre qu'elle se moquerait de lui si toutefois il tombait malade et le garde-chasse prit un air consterné, les bras croisés: « Tu riras moins quand je te cracherai mes microbes à la figure ! » Oui le monsieur était susceptible et il détestait qu'on se raille de lui, il était donc tout à fait capable de lui filer sa vieille grippe sous prétexte qu'elle le narguait de l'avoir prévenu. A bon entendeur. Puis elle lui recommanda de se rhabiller ensuite. Qu'avait-elle ? Avait-on greffé un instinct protecteur sur Sarah au petit matin ? L'avait-on remplacée par sa jumelle aimante et toute douce ? Non ça n'était point possible ça n'était pas la Sarah farouche qu'il connaissait. « Repartir ? Pourquoi repartir seule alors que tu es en si bonne compagnie ? » Il n'y avait qu'un seul moyen de savoir si on l'avait échangé: provoquer son courroux. Soudain, il entoura sa taille de ses deux bras puis n'eut aucun mal à la soulever. Rapidement, il courut jusqu'à la plage puis avança jusqu'à avoir l'eau à mi-genoux. Là il lâcha brusquement Sarah dans l'eau puis retrouva la berge et sa planche. Appuyée sur celle-ci, il ricanait. « Mes occupations sont plutôt sympathiques jusqu'ici ! »

Sarah avait beau essayer de lui faire dire que c'était un gentleman, jamais Clarence ne se risquerait à acquiescer. Se proclamer gentleman l'enfermerait pour toujours dans ces rituels: être gentil avec les demoiselles, prendre soin d'elles, mesurer ses paroles. Autrement dit plus aucune liberté. Il se contenta donc de sourire en coin avant de changer de sujet. De toute façon ils savaient tous les deux qu'il avait toujours été maladroit, non parce qu'il ne faisait d'effort mais juste parce qu'il préférait être lui-même sans concession. Son ex petite-amie voulut alors s'éclipser. C'est vrai que c'était pas si stupide de vouloir écouter la conversation avant qu'elle ne tourne au pugilat. Comme leurs dernières entrevues avaient été ponctués de cris et de reproches, ils prenaient leurs précautions désormais. Mais pour l'instant tout allait bien et en fait Clay voulait en profiter plus qu'autre chose. « C'est chiant à mourir la logique. Tu voudrais pas l'oublier un peu ? » Oui c'était une façon déguisée de lui demander de rester avec lui. En fait, il n'attendit même pas qu'elle réagisse puisqu'il s'empara d'elle pour la porter jusqu'à l'eau. A force de faire de l'autorité en le prévenant qu'il risquait d'être malade, il allait la confronter directement à l'élément. Malgré les protestations de Sarah qui étaient évidemment vaines, il fut jusqu'au bout de sa bêtise et la lâcha dans la mer comme un gros paquet peu fragile. Hilare tel un adolescent, il était fier de sa blague tandis que la brune sortait à pas rapides de l'eau, le menaçant. Il prit un air faussement apeuré avant de la toiser avec doute: « Je ne suis qu'un ? Oui tout à fait, belle élocution. » Une fois de plus il se moquait d'elle. Cependant, quand il remarqua qu'elle commençait à grelotter à cause de la température, il culpabilisa un peu. Dans sa combinaison de surf qui était conçue spécialement pour surmonter des températures basses, il se sentait parfaitement bien. Mais il avait oublié que ça n'était pas le cas pour tout le monde. « Bouge pas. » Il courut à petites foulées jusque le stand qui louait les combinaisons puis récupéra le pull avec lequel il était venu ainsi qu'une serviette. Revenant jusqu'à Sarah, il entoura ses épaules de la serviette: « Sèche-toi et enfile ça après. Ma bonté me perdra. »

Clarence réussirait-il enfin à lui faire oublier sa maudite logique, sa maudite raison et peut-être même un peu son cerveau rien que pour ce soir ? Il n'avait pas envie de se prendre la tête, ni envie de mesurer ses gestes ou ses mots pour rester présentable. Il se sentait revigoré par l'eau fraiche de la mer et pour rien au monde il ne voudrait retourner dans le cercle infernal de The Werewolf Game. Du moins pas avant demain. Lorsque Sarah accepta finalement d'oublier tout ça, Clay la gratifia d'un sourire satisfait. Que demander de plus ! Finalement il avait opté pour la plaisanterie douteuse autrement dit la blague de merde digne d'un gosse de 15 ans. Il l'avait jetée à la mer sans préambule afin d'attiser sa colère. Depuis combien de temps ne l'avait-il pas entendu rire ? Peut-être trop en y repensant mais ces derniers temps n'avaient pas été des plus sains pour leur relation. Comme ce fut attendu, la brune protesta tout en sortant trempée de l'eau. Elle pestait contre lui mais il trouvait seulement le moyen de ricaner tout seul dans son coin. « Oh ça va, tu aurais couru toute nue sur la plage que ça aurait fait le même effet. Je n'oserai jamais te demander ça. » Comment ne pas se souvenir qu'ils avaient réellement couru presque nus pour aller faire un bain de minuit quand ils avaient été plus jeunes ? Forcément tout ça s'était soldé par une crève monumentale le lendemain mais ce moment spontané et heureux faisait partie de ses meilleurs souvenirs avec Sarah. Inquiet toutefois, il fila lui chercher sa serviette puis son pull tout en ramenant la planche à la boutique. Il n'en aurait plus besoin pour ce soir, puis tous les surfeurs aguerris savaient que plus la luminosité baissait et plus les eaux devenaient imprévisibles. Autant éviter de se noyer devant les États-Unis... Sarah le remercia puis se sécha comme elle put avant d'enfiler son pull bien trop grand pour sa petite silhouette. Avec un sourire détendu, il se frotta ensuite la tête avec la serviette pour sécher un peu ses cheveux avant de les nouer avec un élastique qui trainait à son poignet. « Allez, fais pas cette tête de phoque apeuré, ça va aller. » Sa main se glissa dans son dos pour le frotter doucement afin de la réchauffer. Il eut envie de la prendre dans ses bras pour que ce soit plus efficace mais une petite voix intérieure criait à la mauvaise idée c'est pourquoi il se ravisa et finit par s'assoir sur le sable, toujours en combinaison.